UN MINISTÈRE DE LA MORALE
Chez nous, c'est une tradition. Nous avons eu nos inquisiteurs au Moyen Âge, notre Comité de surveillance et de sûreté générale sous la Révolution, nos bureaux de censure sous l'Empire... La Liberté a beau figurer sur le fronton de nos mairies, elle est, en France, une exception. Est-ce une fatalité ? Il est de la nature du pouvoir de vouloir dire le bien et le mal, quel que soit le gouvernement qui l'exerce. Passe encore à l'époque où nos rois se proclamaient de droit divin. Mais lorsqu'elle a pris la place du souverain au nom de la liberté, la nation s'est empressée, par la voix de ses représentants, de reprendre le pire des anciennes pratiques théocratiques de la monarchie qu'elle venait de renverser. Très vite, on s'est remis à gouverner au nom du bien et de la vertu. Le pouvoir a eu beau nous donner la souveraineté, il nous a toujours considérés - et nous considère encore - comme peu capables de l'exercer, trop immatures, pas assez responsables, on a donc voulu nous aider.