
L'abbaye de Royaumont, entre tradition et avant-garde

La fin d’un chantier d’envergure.
Comment faire coïncider la préservation du patrimoine, l’accueil du public, l’hébergement des artistes en résidence et la création ? Royaumont, havre de quiétude et de sérénité, semble avoir résolu cette quadrature du cercle et s’apprête à ouvrir après des travaux menés à marche forcée. C’est François Chatillon, architecte en chef des Monuments Historiques, qui est le maître d’oeuvre de cette rénovation d’un coût de plus de 6 millions d’euros destinée en particulier à augmenter ses capacités d’hébergement destinées aux artistes en résidence.
L'abbaye de Royaumont, ce bijou d’architecture gothique niché entre étangs et forêts, a été fondée en 1228 par Louis IX, futur saint Louis, alors âgé de 14 ans, avec l’appui de sa mère, Blanche de Castille. Richement dotée, elle connaît un puissant rayonnement au XIIIe siècle. Il s’agit de l’un des plus grands établissements au nord de Paris après Saint Denis. Mais la guerre de Cent ans, puis la gestion plus ou moins heureuse des abbés commendataires, nommés par le roi et au train de vie très éloigné de l’austérité cistercienne, à partir du milieu du XVIe siècle, vont entamer son prestige. Déclarée bien national à la Révolution, elle ne compte plus qu’une dizaine de moines en 1791, l’année de sa mise aux enchères. Propriété d’un industriel qui fait, hélas, détruire l’abbatiale monumentale - presque aussi vaste que la cathédrale de Soissons - , elle est transformée en filature de coton jusqu’en 1859, puis retrouve sa vocation première en accueillant le noviciat des religieuses de la Sainte-Famille de Bordeaux, qui la restaurent dans le style néogothique de l’époque.
En 1905, année de la séparation de l’Église et de l’État, le domaine est à nouveau en vente. Jules Goüin, président de la Société de Construction des Batignolles, acquiert l’ancien monastère qu’il transforme en résidence de campagne. Les bâtiments restaurés abritent un hôpital pendant la Première guerre mondiale. Le 15 mai 1938, son petit-fils, Henry Goüin inaugure avec son épouse, Isabel Goüin-Lang, le Foyer de Royaumont, lieu de travail et de repos pour artistes et intellectuels. Vingt-six ans plus tard, en 1964, le projet prend la forme d’une Fondation Royaumont (Goüin-Lang) pour le progrès des Sciences de l’Homme. Un projet culturel qui sera au fil des décennies revu et élargi en particulier à la danse contemporaine.
Plusieurs campagnes de restauration de grande ampleur ont déjà été menées dans les années quatre-vingt-dix. Les édifices aujourd’hui encore visibles sont le bâtiment des moines, l’un des principaux de l’abbaye (65 m de long sur 14 m de large) qui a bénéficié de très importants travaux et a retrouvé sa sobre élégance. Il arbore notamment une nouvelle et magnifique toiture de tuiles plates et a retrouvé ses lucarnes, côté cloître, supprimées en 1974. L’ancien réfectoire, le bâtiment des convers, le cloître, les anciennes cuisines, chauffoir et latrines sont les derniers témoins de l’organisation cistercienne.
Depuis 2010, l’abbatiale est l’objet d’une « restauration numérique ». Sous la direction de Patrick Callet, des étudiants de l’École Centrale de Paris ont réalisé une maquette numérique en trois dimensions de l’église à l’époque médiévale. Le film montrant l’intérieur et l’extérieur du bâtiment est présenté aux visiteurs dans la sacristie sur grand écran et sur fond de chant cistercien de l’ensemble Organum.
Véronique Dumas
Visuel : Vue d’une arcature du cloître © Agathe Poupeney
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