Cela fait vingt ans que l'oeuvre majeure de Claude Lanzmann, Shoah , a été projetée pour la première fois à  Paris. L'importance de ce film documentaire, qui a nécessité onze années de travail, n'a pas faibli. Le temps affirme méme son caractère unique et irremplaçable, du fait méme que les témoignages furent recueillis à  une époque charnière, quand les souvenirs étaient encore vivaces, quand la parole pouvait enfin se délier aussi bien celle des victimes que celle des bourreaux. Cette parole greffe la mémoire de la démence nazie dans l'esprit du spectateur. Car Shoah est, par le seul biais du témoignage, une plongée quasi hallucinatoire dans cette période tragique, qui semble hors du temps tant l'horreur déployée dans les camps d'extermination a rompu les cadres de la pensée ordinaire. D'emblée, ce film est devenu une oeuvre indispensable pour pouvoir penser Auschwitz.