L'Histoire, c'est aussi l'histoire de nos maladies. Et plus épineux encore, celle des rapports que nous entretenons avec elles. Dans l'ouvrage qu'ils consacrent à la pandémie de grippe aviaire à venir, Jean-Philippe Derenne, chef du service de pneumologie et réanimation à la Salpêtrière, et François Bricaire, chef du service des maladies infectieuses et tropicales du même hôpital, mettent d'emblée en exergue la difficulté de nos aïeux grecs, byzantins ou médiévaux à faire intellectuellement face aux épidémies qui les décimaient. C'est que l'homme, s'il peut accepter le cas échéant sa propre ignorance, « ne supporte pas que ce qu'il croit savoir, ses certitudes, soient sans efficacité contre les maux qui les assaillent ». D'où sa propension à chercher des boucs émissaires : « empoisonneurs ennemis » à Athènes, lépreux et surtout juifs pendant la Grande Peste, au XIVe siècle, qui allait anéantir entre 50 et 75 % de la population européenne !