
Virus, l’ennemi invisible des Aztèques
Il y a 500 ans, le 30 juin 1520, au terme d’une troisième nuit d’agonie, l’empereur aztèque Montezuma II rendait l’âme. Victime de sa médiocrité et de sa couardise, prisonnier des croyances et des traditions stérilisantes de son peuple dont il était le garant, il s’est révélé impuissant à résister aux conquérants espagnols emmenés par le maître-stratège Hernán Cortés. Débarqué sur la terre mexicaine un an plus tôt avec 400 compatriotes, 15 chevaux et 7 pièces de canon, le conquistador a réussi à vaincre un empire de taille immense, assis sur des richesses minières incommensurables et peuplé de près de vingt millions d’habitants, dont un nombre non négligeable de guerriers. Mais le triomphe militaire des Espagnols, symbolisé par la prise de la capitale Mexico-Tenochtitlan et la mort du souverain local, ne marque pas la disparition immédiate de l’Etat aztèque, comme en témoignent les batailles qui se succèdent les années suivantes. Celui-ci ne s’effondrera réellement qu’un demi-siècle plus tard, vidé de 90 % de sa population, victime d’épidémies fatales. Et si on se demande aujourd’hui si le Covid-19 provient de Chine ou d’Amérique, il ne fait aucun doute que les microbes qui exterminèrent alors les Aztèques provenaient, eux, de l’Europe...
Une épidémie de variole dès 1519
La première alerte a lieu dès 1519, juste après l’arrivée des premiers conquérants espagnols dans le pays des Mexicas : une épidémie de variole contamine des dizaines de tribus et de cités. Aussi démunis que non immunisés face à cette maladie inconnue, plusieurs millions d’indigènes périssent, les concoctions à base d’insectes et les bains parfumés se révélant bien inefficaces contre « la petite vérole »… Parmi les victimes, une majorité de nourrissons et d’enfants, ce qui provoque un déficit démographique de grande ampleur pour les décennies à venir. Grippe et rougeole font ensuite leur apparition, mais elles n’entraînent pas autant de morts que les deux vagues épidémiques suivantes (1545-1550 et 1576-1580). Convulsions violentes, fièvres brûlantes, vomissements chroniques, crises de dysenterie, saignements par le nez, la bouche et même les yeux : les symptômes de ce que les Aztèques baptisent métonymiquement « cocoliztli » (« la maladie ») sont variés, rendant impossible de dire s’il s’agit de déclinaisons de maladies virales ou de la fièvre typhoïde (via peut-être des salmonelles). Seule certitude : elles auront détruit, plus sûrement que l’acier dans lequel étaient trempées les épées des colons espagnols, le glorieux empire aztèque. Comme, au cours du même siècle, son homologue inca, un peu plus au sud du continent américain. Des virus détruisant des civilisations, ce n’est pas de nos jours que cela arriverait, n’est-ce pas ?
Jean-Christophe Buisson
Directeur adjoint de la rédaction du Figaro Magazine, présentateur de l’émission Historiquement Show sur Histoire TV. Dernier livre paru : Les grands vaincus de l’histoire (Vercingétorix, Montezuma II, le grand Condé, Charette, Lee, Che Guevara…), avec Emmanuel Hecht (Tempus, 2020).