Rien de neuf sous le soleil ou quand un poulet peut sauver des vies

Du Moyen Age jusqu’au dix-septième siècle, l’Angleterre connut des épidémies récurrentes. Entre 1540 et 1666, il y en eut neuf. L’épisode de peste des années 1592-1593 (qui fait l’objet de ce billet) tua environ 8.5% de la population ; la Grande Peste de 1665, 12 %.
En juin 1592, la Pestilence (c’est-à-dire la peste) fait à nouveau son apparition à Londres. Les chiffres du registre de la paroisse de St Olave (près de Fenchurch Street au sud-est) nous donnent une idée de sa progression : fin juillet, on dénombrait 26 morts, en août 180, en septembre 248, en octobre 158. Le Conseil privé (l’équivalent d’un conseil des ministres restreint) constatait, inquiet, la progression implacable de l’épidémie qui était due, d’une part « au comportement irresponsable des gens » et, d’autre part, « au manque de mesures efficaces pour séparer les bien portants de ceux qui ont été infectés » (Acts of the Privy Council, 1592).

Des efforts avaient pourtant été faits pour empêcher les regroupements : la cérémonie d’investiture du nouveau Lord Maire de Londres fut repoussée – la reine Élisabeth Ire proposa de redistribuer l’argent économisé à « tous ceux dont la maison était infectée » – et les théâtres situés à Southwark sur la rive sud de la Tamise fermèrent leurs portes le 23 juin 1592 pour rester clos pendant deux ans. William Shakespeare, qui commençait sa carrière et qui allait profiter de la  mort prématurée des grands noms de la scène londonienne, Christopher Marlowe (mort en 1593) et Thomas Kyd (mort en 1594), fait état dans Roméo et Juliette de la quarantaine alors appliquée sur un logis « que [des officiers de santé] soupçonnaient touché par la peste infectieuse [et dont] ils ont scellé les portes ; interdit d’en sortir » (acte V, scène 2).

La maladie, une punition divine ?

Comme souvent lors de catastrophes naturelles inexpliquées, on évoqua quelque punition divine, ou comment revisiter le thème des plaies d’Égypte. Le gouvernement élisabéthain se trouva confronté à une double prolifération : à la maladie s’ajoutaient des idées inquiétantes, comme celle qui avançait que la maladie étant une punition divine, la combattre équivalait à une rébellion pure et simple contre Dieu.

On allumait des feux dans les rues de Londres pour assainir l’air. On recommandait le vinaigre et les épices pour réchauffer et purifier l’intérieur, du corps et de la maison. La bière, croyait-on, avait de grandes vertus médicinales. À défaut de soigner, elle permettait momentanément d’oublier la situation... A defensative against the plague, un traité portant sur la peste, date de 1593. Son auteur Simon Kellwaye, chirurgien à la cour, propose une méthode pour le moins originale, en l’occurrence celle d’appliquer un poulet vivant et plumé sur les plaies dues à la peste. Faute de poulet, un pigeon pouvait faire l’affaire.

Isabelle Fernandes  
Historienne, spécialiste de la civilisation anglaise au XVIe siècle.

Bibliographie
Charles Creighton, A History of Epidemics in Britain, Volume 1, 2018.
Miranda Kaufmann, Black Tudors: The Untold Story, 2017.
Paul Slack, The impact of plague in Tudor and Stuart England, 1985.

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