
Recettes de miettes de pain
Photo © Gil Lefauconnier
La nourriture et la cuisine prennent une place plus importante en période de crise. La peur de manquer incite les gens à faire des réserves alimentaires. Mais dans un contexte de pénurie et de rationnement, comme sous l’Occupation, durant la Seconde Guerre mondiale, la situation se complique : c’est la cuisine de la débrouillardise et du non gaspillage où chaque ingrédient devient utile, même les miettes de pain.
Un foyer de cinq personnes disperse 30 grammes de miettes par jour, ce qui fait 210 grammes de pain gaspillé en une semaine, nous dit France Christille dans 100 recettes nouvelles à base de miettes de pain, paru en 1941 à Paris et à Clermont-Ferrand. Rare petit ouvrage qui nous rappelle combien le pain est « l’élément symbolique de la vie ». Accumulées, les miettes peuvent être employées de plusieurs manières : telles quelles, sans aucune préparation particulière, ou séchées au four, puis passées à une étamine plus ou moins fine, selon que l’on souhaite obtenir de la chapelure ou une « semoule légère et blonde comme du sable ». Dans les deux cas, après refroidissement complet, elles se conservent plusieurs mois dans des boites en fer.
Des recettes variées pour 4 à 5 personnes
Les recettes sont variées et se préparent pour quatre à cinq personnes. Ainsi, avec 110 grammes de miettes de pain gonflées dans un demi-litre de lait écrémé, 100 grammes de jambon finement haché, si possible un œuf battu, le tout mélangé et poivré, l’on fait de petites boulettes, roulées dans la farine, puis dorées à la poêle dans un peu de corps gras. Avec des restes de viande l’on prépare un pudding ou un hachis au four ; avec de la morue pochée ou du poisson cuit la veille, l’on confectionne des pains de poisson, etc. Si l’on ne dispose que de quatre œufs pour une omelette, il est possible de la doubler en y ajoutant « quatre cuillerées à bouche de miettes de pain » arrosées de lait. Le « soufflé aux miettes » est plus élaboré avec ses blancs en neige mélangés aux jaunes d’œufs et aux miettes, salés, poivrés et muscadés. Les endives, préalablement cuites à la vapeur ou à l’eau bouillante, sont en croute lorsqu’elles sont passées au four avec une pâte de miettes trempées et beurrées. Le « potage roux » se fait avec presque rien : quatre « cuillerées à bouche de miettes de pain et deux de farine » dorées dans du beurre, mouillées d’un litre d’eau chaude, ou mieux, « d’un bouillon de cuisson, de légumes ou de pâte », que l’on sert après un quart d’heure de cuisson. L’on peut aussi préparer « de délicieux gâteaux et entremets » : clafoutis, flans, tartes, galettes, soufflés, etc. Le « pain de miettes », par exemple, se fait avec des raisins secs et des écorces d’oranges, il peut être servi avec un coulis d’abricots ou de groseilles, voire flambé au rhum.
Ce petit livre instructif et inventif nous invite ainsi à regarder les miettes de pains d’une autre façon, à ne plus les voir comme un déchet, mais comme une possibilité culinaire, même aujourd’hui ; en ces temps de confinement…
Patrick Rambourg
Historien gourmand et gourmet de la gastronomie et des pratiques culinaires et alimentaires