
Mémoires de confinés
Non ! il ne s’agira pas ici du énième journal d’un exilé volontaire dans sa résidence secondaire, déplorant un enfermement si beau depuis la fenêtre du salon de sa résidence secondaire… Ces jours de claustration permettent, en revanche, de poser un regard neuf sur sa vieille bibliothèque et, bien vite, de s’apercevoir que l’on a les yeux plus gros que le ventre : la tentation de relire [ah, ce re-, toujours d’un chic !] Saint-Simon en est l’un des symptômes les plus évidents. Plus de 20 volumes dans la version Sainte-Beuve… et quel encombrement – près d’un mètre de rayonnage.
Il existe, fort heureusement, des alternatives au duc, moins chronophages, plus minces et, surtout, plus drôles. Première solution, un écrit apocryphe extraordinaire, les Souvenirs de la marquise de Créquy (1714-1803). Pensez… elle a vu passer deux rois, une révolution et un empereur ! Et surtout l’obsession de tenir son rang, de respecter l’étiquette, de dépenser sans compter et de médire de la noblesse d’agrégation et d’extraction : point de salut si votre ancêtre n’a pas expectoré aux côtés de Saint Louis, lors de leur confinement à Damiette. Donc 10 tomes en 5 volumes (30 cm de rayonnage), fous rires garantis… mais, hélas, non réédité.
Les Mémoires d’Horace de Viel-Castel (1802-1864) échappent à tous ces écueils : authentique, de taille raisonnable et récemment réédité, ce récit de la vie mondaine sous la « fête impériale » satisfera vos instincts les plus bas : sexe, voyeurisme, ragots et, toujours, mauvaise foi. Le comte déteste Plon-Plon, les Anglais, les homosexuels et fait des gorges chaudes des galipettes de l’Empereur. Bref, une autre époque à redécouvrir en ces temps de confinement physique et mental.
« Comme elle mangeait un bonbon à la fleur d’oranger et qu’elle en aspirait la liqueur sucrée en le tenant entre ses lèvres : « Aimez-vous à sucer, comtesse ? » lui a-t-il dit. La Castiglione lui a répondu : « À sucer quoi ? » Puis elle a ri d’une petite façon égrillarde fort réjouissante. » (lundi 11 mai 1857) Gainsbourg n’a finalement rien inventé.