Vespasien

Vous connaissez leurs noms. Mais souvent pas beaucoup plus. Certains comme Morse, McAdam ou Braille ont donné leurs patronymes à leurs inventions, d’autres ont laissé leur trace dans la nomenclature des rues et avenues (Raspail), d’autres encore sont devenus mondialement célèbres à travers leurs établissements (Ritz) ou ont été à l’origine de découverte médicale fondamentale (Alzheimer) ou d’une expression dont l’origine s’est perdue (Un olibrius). Historia les fait revivre chaque semaine.  

Ce n'est pas le premier nom qui vient à l'esprit lorsqu'on évoque l'âge d'or de l'Empire romain. Peut-être parce que Vespasien a soigneusement évité la démesure de ses prédécesseurs, que ce soit la gloire d'un Auguste ou la démence d'un Caligula - la postérité retenant mieux l'excès que la modération... Pourtant, il est l'un des hommes d'État les plus talentueux de l'Antiquité. Et c'est justement son sens de la mesure qui fait de lui un empereur avisé dont le règne, quoique court - neuf ans seulement -, a durablement marqué l'histoire de Rome, en mettant fin à la crise de l'après-Néron et en préparant le terrain à l'apogée, considéré généralement sous Trajan, vingt ans après sa mort.

Vespasien naît en l'an 9 de notre ère. Il est issu de la gens Flavia, une petite famille plébéienne sans histoire de Reate (Latium). Son père est publicain - c'est-à-dire collecteur d'impôts. C'est là sa première particularité : Vespasien n'a pas d'origine patricienne illustre. Cette humble extraction sera néanmoins son meilleur atout. Son ascension est en effet le fruit de son travail et de son talent. Il embrasse la carrière militaire et fait ses armes en Rhénanie sur le front germain. Il se distingue ensuite aux côtés du général Aulus Plautius à l'occasion de la conquête de la Grande-Bretagne, entreprise par Claude et achevée, du moins pacifiée, sous le règne d'Hadrien. En 62, il est proconsul dans la province d'Afrique (actuelle Tunisie) et semble faire le bonheur de ses administrés. Un modèle d'une « intégrité absolue », nous dit Suétone. Personne ne le voit venir, tandis qu'il remplit ses missions avec brio et s'élève dans la hiérarchie de l'Empire. Lui-même ne songe pas au principat, qui semble être la propriété exclusive des Julio-Claudiens.

Vespasien, empereur à soixante ans

Mais tout s'accélère en 66 avec le soulèvement des Juifs de Palestine. Néron le nomme légat en Judée, à la tête de deux légions. Vespasien mate avec intelligence et sévérité la révolte attisée par les zélotes, factieux radicaux et nationalistes, et leur bras armé, les sicaires. Son fils aîné, Titus, achève cette campagne de pacification, ponctuée par la destruction du Temple de Jérusalem en 70. Entre-temps, l'Empire est ébranlé par une guerre civile, à la suite de la mort de Néron, en 68. L'année suivante est celle, chaotique, dite « des quatre empereurs ». Vespasien, proclamé imperator par les légions d'Orient, n'a plus qu'à attendre que le principat lui tombe dans les mains. Ses troupes évincent Vitellius, son ultime adversaire, après une féroce bataille en Lombardie. Le pouvoir l'appelle. Âgé de 60 ans, Vespasien entame une nouvelle et prestigieuse carrière, celle d'empereur !

Avec l'énergie d'un tout jeune homme, il réforme l'administration et relève l'Empire des conséquences désastreuses de la guerre civile et de la gabegie de ses prédécesseurs. On le dit pingre, mais c'est peut-être une qualité pour un chef d'État. Vespasien va jusqu'à taxer l'urine - on fait de lui depuis l'inventeur des vespasiennes. Son travail au service des Romains est immense. Il élargit l'administration, renouvelle l'aristocratie patricienne, modernise les routes, rebâtit Rome... Colossal ! À propos de colosse, c'est lui qui commande la construction du Colisée. Malgré sa brouille avec les stoïciens, Vespasien est adoré par son peuple, qui voit en lui plus qu'un chef d'État : un bon père de famille. Il reçoit les citoyens qui lui demandent audience dans sa modeste maison. Sa bonhomie, son appétit gargantuesque - la gastronomie est son seul luxe - et son sens de l'autodérision s'ajoutent au crédit de son bilan exemplaire. L'empereur ne néglige pas la pérennité de son oeuvre en associant aux affaires ses deux fils, Titus et Domitien - qui lui succèdent à sa mort, en 79, instaurant ainsi une forme de pouvoir héréditaire qui renoue pour un temps avec le principe monarchique.

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