
Paramount, la montagne qui n’existait pas ?
En partenariat avec les Historia propose sur son site internet un document jamais publié dans la presse grand public commenté par son conservateur. Ce mois-ci, Marc Durand vous présente un document particulièrement étonnant, l'acte de création de la Société anonyme française des films Paramount signé d'Eugène Zukor, fils d'Adoph.
Ne cherchez pas sur un planisphère le mont Paramount, vous ne le trouverez pas ! La montagne la plus célèbre de l’industrie cinématographique américaine n’est qu’une allégorie publicitaire ; comme Leo le Lion rugissant de la Metro-Goldwyn-Mayer, la Liberté éclairant l’écran de la Columbia ou les projecteurs de la Century Fox. Le cinéma n’est-il pas qu’une formidable usine à rêves ?
La Paramount est la fille aînée des grands Majors hollywoodiens. Elle naquit en 1916 de la fusion de deux maisons de production créées en 1912. L’une de l’imagination d’un ancien fourreur hongrois, Adolph Zukor, père de la Famous Players Film Company. L’autre d’un joueur de cornet à pistons, Jesse L. Lasky, fondateur de la Jesse L. Lasky Feature Play Company.
En à peine quatre ans la Paramount est au sommet de sa gloire. Prête à conquérir la mère patrie du cinéma et, accessoirement, à faire taire le coq de Pathé et à couper la marguerite de Gaumont. Adolph Zukor mandate son fils Eugène pour traverser l’Atlantique et fonder la Société anonyme française des films Paramount. Le Minutier central des notaires de Paris conserve l’acte de création de cette société. Il participe à une meilleure compréhension de l’industrialisation du cinéma.
Un traducteur assiste Eugène Zukor qui ne parle pas français
Le 29 avril 1921, Maître Revel reçoit en son étude Eugène Zukor, éditeur de films à New York. Il réside à l'hôtel Claridge aux Champs-Élysées. Zukor ne comprenant pas la langue française, il est assisté de Raoul Klépal, traducteur. La déclaration de souscription et de versement des statuts de la société anonyme a pour objet : la fabrication, l’édition, l’exploitation, la production, la location et la vente de films cinématographiques, construction de tous appareils, exploitation ou cession de brevets, contrats, marchés et prise d’intérêts dans toutes entreprises […], sous la raison sociale Société anonyme française des films Paramount, établie pour une durée de 99 ans, au capital de 500 000 francs, divisés en 500 actions, siège social situé 63, avenue des Champs-Élysées. Suivent le dépôt d’assemblées générales, pièces de publication et modifications aux statuts.
La société se trouve presque entièrement entre les mains d’Adolphe Zukor (450 actions) et d’Eugène Zukor (30 actions). Mais qui se trouve à leurs côtés ? Le docteur Ascher Osso (4 actions) ; Adolphe Osso, producteur de films (4 actions) ; Oscar Osso, propriétaire, (4 actions) ; Maurice Orienter, négociant, et Jean Joseph Letche, propriétaire. Des recherches complémentaires dans l’état civil parisien permettent d’établir que Maurice Orienter est le beau-frère d’Adolphe Osso ; ils dirigeront ensemble la Paramount française et deviendront deux des plus importants producteurs indépendants.
Si vous tenez à gravir le mont Paramount, partez, avec Tintin et le Temple du Soleil, dans la Cordillère des Andes péruviennes et vous pourrez vaincre l’Artesonraju…
Marc Durand
Archives nationales, Minutier central des notaires de Paris
Légende : 1921, 29 avril. Dépôt des statuts de la Société anonyme française des films Paramount par Eugène Zukor, éditeur de films (Arch. nat., MC/ET/XCV/1178).