Le décor du ministère des PTT : allégorie d’une administration

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Historia propose sur son site internet un document jamais publié dans la presse grand public commenté par son conservateur. Ce mois-ci, Patricia Da Costa, du Département de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et de l’Agriculture, nous retrace l'histoire du décor initial du ministère des PTT, une oeuvre de Zadkine.

Immense vaisseau à sept niveaux, aux formes épurées, épousant harmonieusement l’angle des rues, le siège du ministère des Postes, Télégraphes et Téléphone situé à l’angle de l’avenue de Saxe et de l’avenue du Ségur, est inauguré le 14 mars 1939 par Albert Lebrun, président de la République. Œuvre de Jacques Debat-Ponsan (1882-1942), architecte des PTT depuis 1928, le bâtiment, en béton armé, se caractérise par son style moderniste, fonctionnel et dépouillé. L’entrée principale ouvre sur un grand vestibule desservant les services administratifs et une vaste salle des congrès. Cette salle, de 500 places, est la pièce maîtresse du bâtiment. Derrière l’estrade, un planisphère sculpté de Louis Janthial représente l’Empire colonial français, encadré par deux hauts-reliefs en faïence stannifère* du sculpteur Ossip Zadkine (1890-1967). Sculpteur d’origine russe, Zadkine est l’un des représentants de la technique de la taille directe. Arrivé à Paris en 1909, il devient membre de l’École de Paris. Son œuvre est marquée par les courants stylistiques de son temps : cubisme, Art déco et redécouverte des formes antiques. Zadkine est l’un des grands noms de la sculpture contemporaine.

Séduit par les reliefs de Zadkine ornant le pavillon de la Céramique et de la Verrerie à l’occasion de l’exposition internationale des Arts et des Techniques appliqués à la Vie moderne organisée à Paris en 1937, Jacques Debat-Ponsan souhaite le même type de décoration murale pour le ministère des PTT. Deux thèmes, « La Poste terrestre » et « La Poste aérienne » sont retenus. Commande est alors passée à Zadkine par courrier en date du 5 novembre 1937. Les œuvres sont prêtes à être livrées en janvier 1938 et installées le 15 novembre 1938, en même temps que les panneaux, « Émission » et « Réception », du sculpteur Léon Baudry.

Le travail de cuisson réalisé par les ateliers de la manufacture de Sèvres : une véritable prouesse technique

Les deux hauts-reliefs, de 4 mètres de hauteur sur 1,93 mètre de largeur, signés de la manufacture de Sèvres et du nom de l’artiste, sont constitués de 10 rangées de 5 carreaux. Le travail de cuisson réalisé par les ateliers de la manufacture de Sèvres est une véritable prouesse technique en raison du rétrécissement aléatoire de chaque carreau. Le premier panneau illustre la « Poste terrestre » sous la forme d’un postier, au premier plan, assis devant une table, effectuant le tri et la pesée du courrier ; une balance pèse-lettre de guichet figure en bonne place sur la table. Les lettres triées sont rangées dans les casiers. À ses pieds, une « cocotte », nom familier donnée par les agents des Postes à une corbeille roulante en osier destinée au transport du courrier, est remplie de paquets. Des sacs postaux sont posés devant la corbeille. À l’arrière-plan, un planisphère illustre le rôle essentiel des Postes dans l’acheminement du courrier à travers le monde. Au second plan, une gare ferroviaire avec ses trains et un paquebot à quai symbolisent les « ambulants ferroviaires » et la poste maritime.

Face au postier, la « demoiselle du téléphone » avec casque et micro, système utilisé par les standardistes. À ses pieds, on note la présence d’un émetteur radiotéléphonique avec son antenne cadre. En même temps, elle assure la fonction de télégraphiste : elle envoie un message grâce à un manipulateur Morse. Le rouleau de papier pour l’inscription des messages télégraphiques se déroule à ses pieds. Un émetteur radio-télégraphique est posé sur la table, alors qu’un voltmètre de contrôle du circuit télégraphique filaire est installé dessous. À l’arrière-plan, Hermès, le messager des dieux dans la mythologie grecque, le caducée à la main, survole la mer et les antennes d’un centre de transmission de messages radiotélégraphiques ou radiotéléphoniques, accompagné par les avions de la « Poste aérienne ».

Les hauts-reliefs de Zadkine été remontés en 1987 ou 1988, dans un bureau de poste du XXe arrondissement de Paris

Avant la cuisson des panneaux par les ateliers de Sèvres, l’artiste dessinait un projet puis concevait une maquette en plâtre destinée aux ouvriers de la manufacture. Pour la composition des panneaux destinés au ministère des PTT, Zadkine a repris les mêmes éléments stylistiques que ceux qu’il avait conçus, en 1936, pour le Pavillon de la céramique. Deux personnages, un homme et une femme assis, de profil, devant une table symbolisent une activité professionnelle entourés des attributs de leur profession.

Les hauts-reliefs de Zadkine ont été déposés entre le mois de mai 1963 et le 31 mars 1964, date à laquelle des travaux de réaménagement de la salle des congrès devaient commencer. Ils ont été remontés en 1987 ou 1988, dans un bureau de poste du XXe arrondissement de Paris, rue des Pyrénées, où ils sont toujours visibles. En raison de leur grande qualité technique et stylistique, de la renommée de leur auteur, ces deux hauts-reliefs ont été classés, au titre des objets mobiliers, parmi les monuments historiques par arrêté ministériel du 12 décembre 2003.

Le cinquantième anniversaire de la construction du ministère, en 1989, a été l’occasion de mettre en avant l’architecture et le décor avant-gardiste de ce bâtiment grâce à l’exposition, « Architecture et modernité », en présence de Paul Quilès, ministre des Postes et des Télécommunications. Le choix du visuel pour le carton d’invitation se porte alors sur l’œuvre de Zadkine, parfait symbole de cette administration.

Patricia Da Costa
Département de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et de l’Agriculture

*Faïence recouverte d’un émail opacifié à l’aide d’oxyde d’étain.

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