Et si le déboulonnage de certaines statues qui fait tant polémique entrainait demain la création de nouvelles effigies de fonte plus conformes aux attentes des publics du XXIe siècle ?
Eh bien si c’était le cas, il y a une région qui l’aurait mauvaise. La Haute Marne (Sermaize-sur-Sault, Brousseval, Val d’Osne, Sommevoire...)  dont les fonderies spécialisées ont débité pendant tout le XIXe et une bonne partie  du XXe  jusque dans les années 1970  des statues de tous acabits. Aujourd’hui toutes les usines ont fermé. Des usines qui ont propulsé  dans chaque ville des processions métallisées.  On parlait même alors de « statutomanie » et de « ville sculptée ». À Paris, sur environ 240 monuments glorifiant un personnage, 65 % furent édifiés entre 1880 et 1914.

La frénésie monumentale de la Belle Époque

« En fait, cette frénésie monumentale relevait du combat des symboles » souligne un rapport remis en 1994 au Ministère de la culture : « l'Église a les cathédrales, les statues de la vierge et des saints, la République contre-attaque par une panthéonisation des grands hommes par la profusion des allégories républicaines ou patriotiques ». Pour la République, ce sera donc Voltaire, Rousseau, Danton Condorcet, Arago, Victor Hugo … Les fétichistes des temps héroïques  peuvent demander à voir les nombreux moules de plâtre entreposés dans les locaux de la GHM Sommevoire à Dommartin-Ie-Franc.  Marianne y rouille paisiblement   en compagnie de la Vierge, Jeanne d’Arc partage une improbable initimité avec Pasteur et Vercingétorix semble papoter avec Desmoulins. Les métallos d’aujourd’hui peuvent-ils y repenser et resculpter Victor Schoelcher, émanciper de nouveaux héros de la République pour une nouvelle alliance du fer, du carbone et de l’Histoire plurielle ? Et si c’était à notre tour de soulever la fonte. Celle de la République de toutes les mémoires !   
Guillaume Malaurie