Le monument le plus emblématique de Paris, en tout cas au regard des touristes, a été inauguré le 31 mars 1889. Ce jour-là, Gustave Eiffel se hisse au sommet de la Tour, un drapeau français à la main. Il est accompagné du directeur de l’Exposition universelle ainsi que d’un certain nombre de personnalités. Les travaux ne sont pas encore tout à fait terminés. Il faudra attendre le mois de mai pour voir le premier ascenseur installé. En attendant, Eiffel rend hommage aux centaines d’ouvriers qui ont travaillé d’arrache-pied pendant plusieurs mois. Car si le génial architecte a mis trois ans pour agencer définitivement ses plans, il a fallu moins de trente semaines pour construire les fondations de la tour. Le jour J, Eiffel n’est pas peu fier, témoin son mot qui est resté : «Je viens d’éprouver une grande satisfaction, celle d’avoir fait flotter notre drapeau national sur le plus haut édifice que l’homme ait jamais construit.»

Saluée unanimement aujourd’hui, la tour Eiffel a pourtant dû affronter bien des critiques. Elle est encore au stade de projet quand des artistes et des intellectuels parmi les plus emblématiques la démolissent dans une lettre publique. «Nous verrons s’allonger comme une tache d’encre l’ombre odieuse de l’odieuse colonne de tôle boulonnée», s’exclament-ils dans une tribune ratifiée entre autres par Zola et Maupassant. Eiffel prend la plume pour leur répondre et rétorque que «Paris, plus belle ville du monde, ne peut s’insurger contre un projet si ambitieux et qui ne fera que traduire sa grandeur».  

A l’arrivée, la Tour Eiffel restera l’édifice le plus haut du monde pendant quarante ans – dépassée en 1930 par le Chrysler Building à New York. Ses 7 300 tonnes de charpente métallique tiennent le coup, restaurée à intervalles réguliers. Après sa construction, la seule menace un peu sérieuse sur sa pérennité date de 1903, quand l’hypothèse d’un démontage est évoquée dans le cadre d’un projet de refonte du Champs de Mars. Cette option sera vite écartée, après qu’il a été démontré que la tour pourrait grandement servir à de futures expériences scientifiques (météo, télégraphie…).  
Frédéric de Monicault