Maximilien et Charlotte à la conquête d’un empire impossible par Paul Morand, de l’Académie française

L’archiduc, frère cadet de l’empereur d’Autriche, François-Joseph, avait fait un mariage d’amour. Il menait une vie oisive au château de Miramar, mais sa jeune femme, Charlotte, fille du roi Léopold de Belgique, le poussa à s’intéresser à un projet de Napoléon III. Celui-ci désirait installer au Mexique (où un coup d’État avait porté au pouvoir l’Indien Juarez) un gouvernement favorable à la France et susceptible d’arrêter vers le sud l’expansion des Américains, alors en pleine guerre de Sécession. Des intérêts financiers étaient en jeu. Invité à ceindre la couronne du Mexique, Maximilien hésita, puis accepta. L’aventure commençait. En 1970, l’écrivain Paul Morand raconte dans Historia cette aventure.

Visuel : L'archiduc Ferdinand Maximilian Joseph d'Autriche 1832-1867, vice-roi de Lombardie-Vénétie de 1857 à 1859, empereur du Mexique de 1864 à 1867, frère de l'empereur Franz Joseph I d'Autriche et son épouse, née princesse Charlotte de Belgique 1840-1927, fille du roi Léopold I et de la princesse Louise d'Orléans. DR

Lorsque l’archiduc Maximilien eut finalement accepté la couronne mexicaine, en abandonnant tous ses droits autrichiens, la joie de l’archiduchesse Charlotte fut immense. Maximilien, lui, boudait ; dès qu’il eut signé, il sembla brusquement comprendre son erreur. Il s’enferma trois jours dans un pavillon du parc de Miramar, avec son médecin, ne voulant voir personne, se disant malade. Lorsqu’il eut repris sa place à table, on lui apporta un télégramme de Napoléon III :

Je ne veux pas qu’on me parle du Mexique, maintenant ! s’exclama-t-il.

Trieste et Venise ayant envoyé des délégations pour le féliciter, il refusa de les recevoir. Terriblement velléitaire, il n’avait accepté la couronne mexicaine que poussé par l’ambition de Charlotte ; ou plutôt il le croyait. N’empêche qu’il commence déjà à jouer au souverain, nommant des ambassadeurs dans les grandes capitales et un lieutenant-général de l’Empire, levant deux mille volontaires en Belgique et en Autriche, ratifiant un emprunt conclu à Londres. À part un vote du Congrès américain, refusant de reconnaître le nouvel empire, tout s’annonçait bien, pensait-il. Or, c’était là la clé du problème : dès 1847, lors de l’annexion du Texas, le général américain Scott avait dit aux Mexicains : « Il y a parmi vous un parti monarchiste ; s’il se forme, je l’anéantirai. »

Un cortège de deux cents voitures pour l’entrée de Maximilien à Mexico

Accueillis triomphalement à Rome par les troupes papales et françaises, à Rome où le Vatican exulte à la pensée qu’il va remettre la main sur le Mexique, et au palais Marescotti, par Gutierrez, Maximilien et Charlotte s’embarquent à Civitavecchia sur la frégate Novara ; un tableau de Cesare dell’Acqua, à Miramar, les montre quittant à jamais l’Europe et leur passé ; Maximilien touche enfin à son rêve : régner ! Mais ses nerfs sont à bout ; il s’enferme en pleurant dans sa cabine. Charlotte, qui l’accompagne, est heureuse. De Civitavecchia, le Novara avait gagné Gibraltar, la Martinique, la Jamaïque. Le 25 mai 1864, les souverains débarquaient à Veracruz. Là, tout s’annonçait moins bien. Maximilien dit adieu à la frégate qui l’a amené et qui, trois ans plus tard, devait rapporter en Europe son cercueil… Un vent fou avait jeté à terre les arcs de triomphe. Dans les rues désertes, on n’entend passer que la cavalerie de l’escorte, les hussards français et les lanciers mexicains. Dans la plus incroyable insécurité se succèdent toute une série de bals tragicomiques, de banquets interrompus par des attentats, de réceptions entrecoupées de coups de fusil. Ce que Maximilien aperçoit de son futur empire le navre :

Les juges sont corruptibles, dit-il, les officiers n’ont pas d’honneur. »

Le chemin de fer qui grimpe sur le plateau de Mexico s’arrêtait alors à Loma Alta. Ensuite, c’était la diligence ; quatre-vingt-cinq personnes de la suite et cinq cents malles s’entassaient dans les voitures, au milieu d’une escorte de préfets, de fonctionnaires, de chambellans en uniformes brodés d’or et d’Indiens demi-nus. Ascension des Cumbres, sous la pluie des orages tropicaux. Maximilien entrait à Mexico le 12 juin, accompagné de dames en mantilles, dans deux cents voitures, et de cinq cents cavaliers en habit noir et gants blancs, très vieille Espagne, tandis qu’une cohue indigène agitait des palmes.

À Mexico, les souverains sont reçus par Bazaine et s’installent au palais de Chapultepec. Maximilien ne dispose que d’une liste civile de deux millions de francs-or par mois, ses emprunts européens servant à amortir la créance française privilégiée. Bientôt le trésor est vide. L’empereur dont on réduit les mensualités (alors que Bazaine mène un train de général en mission) doit visiter sans faste les rares provinces non dissidentes de son empire. À Paris, dès le début de l’expédition, il avait fallu, non sans difficulté, obtenir du Corps législatif les crédits nécessaires. Maintenant que le corps expéditionnaire était devenu, peu à peu, une armée, l’opposition se renforçait.

Juarez demande du temps pour payer ; vous n’allez donc pas au Mexique en créanciers, mais en envahisseurs ! disait Jules Favre, à la tribune.

« Pendant les six premiers mois, tout le monde vous trouve charmant ; touchez à quelque chose, tout le monde vous maudit. »  s’exclame Maximilien.

À peine Maximilien a-t-il débarqué, que déjà, aux Tuileries, on considère la partie comme très compromise. Eugénie ne veut plus, maintenant, qu’on lui parle du Mexique. Après avoir cajolé Charlotte pendant plus de deux ans, elle est tout près de la désavouer. La raison de ce changement d’attitude, c’est que la guerre de Sécession ne s’est pas déroulée comme le croyait Napoléon III ; la victoire des États du Sud s’éloigne, celle des États du Nord est proche et on peut craindre qu’ils ne déclarent la guerre à la France. Maximilien avait cependant confiance ; il prenait le Mexique pour une nouvelle Lombardie, et les Mexicains pour des Milanais qu’il pourrait séduire avec un peu de gentillesse et de libéralisme.

Les conservateurs avaient, hélas, partie liée avec l’Église ; et l’Église réclamait âprement la restitution des biens confisqués, ainsi que le retour de ses privilèges, surtout lorsque arriva de Rome le nouveau nonce Mgr Meglia, d’une intransigeance féroce. Pour ne pas déplaire au clergé, Maximilien chercha un moyen terme, la révision des ventes des biens ecclésiastiques, celles ayant été opérées sans fraude restant confirmées aux acquéreurs. Le nonce refusa. N’ayant réussi qu’à mécontenter tous les partis, Maximilien soupirait :

Pendant les six premiers mois, tout le monde vous trouve charmant ; touchez à quelque chose, tout le monde vous maudit. C’est le néant qui ne veut pas être détrôné.

Comble d’imprudence, le malheureux souverain entreprit alors une politique de gauche, s’intéressant aux Indiens, essayant d’améliorer leur sort. Il y était poussé par Charlotte.

Ils restent tranquilles parce qu’ils sont abrutis, mais excitez-les, mettez-les en face des blancs, et malheur au Mexique ! clamaient les conservateurs indignés.

Je suis libéral, disait Maximilien, mais ce n’est rien auprès de l’impératrice, qui est rouge. (Souvenirs du général du Martray). Le rêve de Maximilien eût été d’appeler Juarez, si celui-ci avait consenti à se rallier.

Les chefs de l’armée française n’étaient pas moins déçus que les conservateurs mexicains :

J’aimerais mieux faire une deuxième fois le siège de Puebla que d’être le modérateur de gens qui ne veulent pas être modérés, avait déclaré, en se rembarquant, le général Forey, dégommé.

Son successeur, le général Bazaine, envoyait aux Tuileries des rapports optimistes auxquels il ne croyait pas et que démentait par-derrière toute la correspondance privée des états-majors, y compris celle du jeune Galliffet.

Les Yankees mécontents

Napoléon III sentait de plus en plus la nécessité de ne plus identifier sa politique à celle de Maximilien. Il oubliait que c’était lui qui venait de jeter dans le guêpier ce malheureux archiduc, à qui, un an plus tôt, le 28 mars 1864, il écrivait : Pour le traité que nous avons conclu et qui nous engage réciproquement, pour les assurances données au Mexique, pour la parole échangée avec les souscripteurs de l’emprunt, Votre Altesse Impériale a contracté des engagements qu’Elle n’est plus libre de rompre. Que penserait-Elle de moi si je Lui disais que je ne puis remplir les conditions que j’ai signées ?

En 1865, c’est exactement ce qu’il commençait à faire. Recevant à dîner Ernest II, duc de Saxe-Cobourg-Gotha, frère du prince consort, Napoléon III l’avait entraîné, après le repas, dans l’embrasure d’une fenêtre ; lui parlant du Mexique, il lui avait déclaré, avec une prodigieuse inconscience :

C’est une très mauvaise affaire… (Il le répéta plusieurs fois). Moi, à la place de Maximilien, je n’aurais pas accepté. (Mémoires du comte Reiset.)

Au général Barrail, Napoléon III tenait à peu près les mêmes propos :

Maximilien ? C’est maintenant son affaire de s’imposer.

De là à arrêter les frais et à rapatrier le corps expéditionnaire français, qui, dès 1862, avait fini par se monter à quarante mille hommes et dix-huit mille auxiliaires, il n’y avait pas loin. Ce qui précipita les choses, ce fut la fin de la terrible et sanglante guerre de Sécession qui allait rendre leur liberté de manœuvre aux États-Unis (1er avril 1865). Juarez triomphe à Chihuahua. Maximilien est au plus mal avec Bazaine ; il lui reproche de dépenser sans compter. Napoléon III offre sa médiation aux États du Nord ; bien entendu cette offre est refusée.

L’hiver de 1865 voit la défaite définitive des États du Sud, et la victoire des cent vingt mille hommes du général Grant sur les cinquante mille hommes du général Lee : toutes les prévisions de Napoléon III sur la victoire du Sud s’effondrent. Les réfugiés mexicains, si ardents au début, sont restés prudemment en Europe ; à leur tour ils présentent à Maximilien leur note de frais, sous forme de demandes d’indemnisation, exigences colossales qui indisposent contre eux tout le Mexique. Pour affermir sa situation, Maximilien multiplie les démarches à Washington, dans l’espoir de se faire reconnaître ; les États-Unis, considérant ses envoyés comme des agents révolutionnaires, ne lui répondent même pas.

Au printemps 1866, le général Lee est définitivement vaincu et le Nord victorieux prêt à intervenir au Mexique, d’autant plus que le bruit court à Washington que Maximilien va céder le Sonora, c’est-à-dire tout le nord du Mexique, à Napoléon III.

Les États-Unis de cette époque ne sont pas la grande nation courtoise, polie par les usages diplomatiques, que nous avons eue comme alliée, depuis 1916. En 1866, c’est le cow-boy avec son revolver sur la table. Au moindre défi de Napoléon III, ce sera la guerre.

Même ton à Vienne ; l’Autriche ayant pensé à envoyer au secours de Maximilien un corps franc recruté en Autriche, les États-Unis en font aussitôt un casus belli et leur ambassadeur à Vienne menace de demander ses passeports. Le crépuscule de la vieille Europe, c’est à Napoléon III que nous le devrons.

Celui-ci essaye encore de négocier ; il offre aux États-Unis de retirer ses troupes du Mexique, si ceux-ci acceptent de reconnaître Maximilien ; cette offre est accueillie par une fin de non-recevoir de la forme la plus grossière. La raison en est que la défaite et la capitulation des États du Sud ont libéré cinquante mille nordistes, qui se massent aussitôt sur la frontière mexicaine.

Rien ne va plus s’opposer à la satisfaction de cette fringale nord-américaine qui progresse sans interruption depuis 1847 : achat de l’Alaska, conquête de la Californie, extermination des Indiens du Far West, expédition Kearny sur la piste de Santa Fe, etc.

Inquiétant maréchal Bazaine « médiocre et calculateur »

Bazaine venait d’être nommé maréchal, en récompense de ses brillants faits d’armes. On se demanda lesquels, car la guerilla des résistants mexicains descendant du nord s’avançait maintenant jusque sous Mexico. Redoutant, non sans raison, l’entrée des Yankees sur le théâtre des opérations, Bazaine ne pensait plus qu’à fortifier défensivement le nord du Mexique. Après s’être longtemps ménagés, lui et Maximilien commençaient à se détester. Aux guerilleros, Bazaine opposait des colonnes mobiles, engloutissant l’argent d’un trésor que Maximilien cherchait en vain à alimenter. Le maréchal, qui sentait la partie perdue, ne pensait plus qu’à tirer son épingle du jeu, à rapatrier un certain nombre de Français du corps expéditionnaire, cinq mille pour commencer, et à se débarrasser sur les volontaires austro-belges de tous ses soucis.

À ce Bazaine « médiocre et calculateur », seule s’opposait Charlotte, âme élevée, tenace et fière, mais mal secondée par un mari irrésolu, passant de la colère à la bouderie et aux prostrations. Ce faible monarque félicitait chaleureusement Bazaine de son élévation au maréchalat, tout en le minant en dessous. Charlotte y contribuait, comme en fait foi sa correspondance très suivie avec l’impératrice Eugénie, laquelle défendait de son mieux le maréchal. Pour ajouter à cette confusion, le contingent austro-belge détestait les Français.

S’étant mis à dos les conservateurs, sans avoir donné satisfaction aux libéraux, mal avec les Tuileries, plus mal encore avec Bazaine, Maximilien n’avait plus qu’un appui au monde, Charlotte. Par désespoir, faiblesse, besoin de détruire ce qui restait de son bonheur, il choisit ce moment pour s’aliéner cette noble femme, ou pour la briser.

Son laisser-aller était remarqué par tous ; il abandonnait de plus en plus sa capitale, vivant retiré aux environs de Mexico, à Cuernavaca ; il buvait trop de vin du Rhin et de champagne ; il se négligeait, jetant sur sa chemise une redingote et traînant des pantoufles en tapisserie. Des témoins très proches affirment qu’il trompait Charlotte avec une Indienne, femme d’un de ses jardiniers. Charlotte ne tarda pas à l’apprendre ; très seule (ses dames d’honneur autrichiennes, les comtesses Zichy et Kollonitz étant rentrées à Vienne), déçue de ne pas avoir d’enfants, cette offense lui fut affreusement cruelle. Maximilien y ajouta des blessures d’amour-propre ; enfermé dans son cabinet de travail, il voyait peu sa femme, exigeait qu’elle se fît annoncer, lui cachait les bizarreries politiques qu’il poursuivait en secret (par exemple, l’élévation, au rang de princes, des survivants de la famille Iturbide). Dans la carence de ce mari que sa concubine indienne venait de rendre père, l’héroïque Charlotte, éveillée de son rêve triomphal, désespérée de la mort de son père bien-aimé, le roi des Belges, faisait face de tous côtés, inspectait les provinces reculées, bravait choléra, fièvre, guerilleros, montrant une lucidité d’homme d’État. En vain. Elle s’épuisait à lutter contre un pays effroyable, contre une opinion française de plus en plus hostile. Maximilien est prisonnier de ce terrible dilemme : le Mexique est ruiné par l’armée française, mais sans elle, pas de paix.

Il fallait faire semblant de ne pas voir le double jeu de Bazaine, ouvertement optimiste, mais secrètement défaitiste ; dans toutes ses lettres à Paris, le maréchal recommande l’évacuation ; il laisse croire qu’après son départ, Maximilien disposera encore de plus de quarante mille hommes ; il ne lui restera en réalité que six mille Autrichiens et un millier de volontaires belges, le reste des troupes auxiliaires et mexicaines ne valant rien et n’étant pas payé.

L’évacuation est décidée

Bazaine commence à replier celles de ses troupes qui, depuis un an, défendaient le nord du Mexique. Aussitôt, les Indiens déserteurs, les guerilleros de Juarez et les flibustiers nord-américains s’avancent sur ses talons. Le maréchal abat son jeu, certain désormais que les Tuileries le suivront. Tout en ménageant encore Bazaine, qui vient d’épouser une Mexicaine, et tout en lui offrant le plus beau palais de Mexico (que Juarez nationalisera), Maximilien fait savoir aux Tuileries que, décidément, le maréchal mène le pays au désastre. La politique marche bien, mais la guerre engloutit tout. De là à penser qu’il faut se passer du corps expéditionnaire, il n’y a qu’un pas, que le malheureux ne tardera pas à franchir. Bazaine, de son côté, dénonce Maximilien ; sa correspondance avec Napoléon III peut se résumer ainsi : Moi, soldat, je suis parfait ; je ne suis imparfait que dans la mesure où je dépends d’autrui.

Ne trouvant plus devant lui qu’un adversaire insaisissable, Bazaine s’irrite, annonce des représailles : tout résistant juariste pris les armes à la main sera fusillé sans jugement ; il oblige Maximilien à prendre le fameux décret du 3 octobre 1865, instituant des cours martiales, où le simple fait d’appartenir à un réseau, même sans flagrant délit, ou d’être seulement sympathisant entraînera l’exécution capitale dans les vingt-quatre heures.

Maximilien excédé écrit alors à Napoléon III : Votre Majesté se croit forcée par une pression soudaine à ne pas pouvoir observer les traités qu’Elle a signés avec moi, il y a deux ans… Je Vous propose donc de retirer immédiatement Vos troupes.

Eût-il voulu se placer lui-même devant le peloton d’exécution, l’empereur du Mexique n’aurait pu faire mieux. Cette fameuse proposition du 18 février 1865 tira Napoléon III d’affaire ; le total rapatriement de l’armée française, qui était depuis longtemps la pensée secrète de Bazaine, n’est plus désormais qu’une question de jours ; en avril 1866, il annonce officiellement l’évacuation.

Maximilien, après avoir follement souhaité le départ des Français, se rend tout à coup compte qu’il creuse sa propre tombe ; Napoléon III s’était engagé à laisser le corps expéditionnaire jusqu’à la destruction de la résistance ; il le lui rappelle vainement.

Le réquisitoire de Charlotte

Brusquement, Charlotte décide de prendre le bateau. Elle ira à Paris, seule. Elle s’adressera aux Tuileries, parlera à l’Europe entière. On devine sa tension d’esprit, son désarroi devant l’imminent naufrage. Tout le plan du dernier acte est écrit : il n’y a plus qu’à le vivre. Le 13 juillet 1866, elle s’embarque à Veracruz, sur le paquebot Impératrice-Eugénie. Pendant tout le voyage, elle s’enferme dans sa cabine. (Le bruit court qu’elle redoute les poisons mexicains, qu’elle craint qu’un sort ne lui ait été jeté.) Son plan est fait : elle n’ira ni à Vienne ni à Bruxelles « pour ne gêner personne », elle n’ira même pas sur le tombeau de son père chéri, mais tout droit aux Tuileries, pour mettre les vrais responsables en face de leur devoir.

Aux Tuileries, en cet été de 1866, on s’exprime maintenant comme l’opposition deux ans plus tôt : la « pensée grandiose » dont parlait ce naïf de Lamartine, « la grande pensée du règne », n’est plus qu’une « gigantesque étourderie ».

Le 14 août 1866, l’Impératrice-Eugénie mouille devant Nantes. Il n’y a personne à la gare pour recevoir l’impératrice du Mexique. Les personnages officiels s’excusent, prétextant qu’ils ont manqué l’arrivée du bateau. À Paris, les représentants des Tuileries ont soi-disant couru à la gare d’Orléans, alors que Charlotte débarquait à la gare Montparnasse. Elle s’attendait à descendre aux Tuileries ; ce n’est qu’au Grand Hôtel que son appartement a été retenu.

C’est là qu’elle reçoit l’impératrice des Français ; Eugénie vient seule ; Napoléon III est resté à Vichy ; il ne refuse pas de voir Charlotte, mais il est malade et demande quelques jours de délai.

Charlotte reçoit un télégramme de lui, à peine poli : Si, comme je le suppose, Votre Majesté va d’abord en Belgique… Exaspérée, Charlotte menace :

Je compte bien voir l’empereur, sinon je ferai irruption.

Comme si ces mauvaises nouvelles ne suffisaient pas, Charlotte apprend en arrivant à Paris que la Prusse vient de déclarer la guerre à l’Autriche. Tout émue, elle part pour Saint-Cloud. L’entrevue avec Napoléon III, qui est restée célèbre, commence par cette apostrophe accusatrice :

Sire, je suis venue pour parler d’une affaire qui est la vôtre…

Tout le reste du propos est d’une passion, d’une ardeur magnifiques. La voyageuse plaide la cause perdue de Maximilien. C’est un éloquent réquisitoire contre la France et contre Bazaine, contre la fourberie et l’incapacité du maréchal, contre la faiblesse dont l’Europe fait preuve envers les États-Unis. Elle rappelle à Napoléon III ses lettres de mars 1864 : Mon appui ne vous manquera jamais, ou encore : Que penseriez-vous de moi si je disais que je ne puis tenir les conditions que j’ai signées…

Avec quel feu, quel courage, quelle noblesse d’âme Charlotte défend Maximilien ! Elle sort, frémissante, du cabinet impérial, refuse le lunch qui lui est offert, demande aussitôt sa voiture ; les cochers, croyant que l’impératrice allait déjeuner, avaient dételé ; elle les envoie chercher, et sans vouloir s’asseoir, arpente les salons. On lui offre un verre d’orangeade : brusquement, l’idée que cette boisson est empoisonnée vient de surgir en elle : elle la refuse avec horreur, elle ne veut rien accepter de ce Napoléon III dont elle n’a rien obtenu ; il a été glacial, intraitable : l’armée française quittera le Mexique dès 1867 ; que Maximilien se défende tout seul, la France ne peut plus rien pour lui. Toute l’histoire de cette invraisemblable équipée mexicaine se trouve résumée dans une phrase d’Emile Ollivier : Napoléon III s’efforçait de déranger le plus de choses possibles, pour avoir à les arbitrer ensuite, devant une sorte de Congrès de Vienne. En tête à tête avec une femme en furie, Napoléon III était moins brillant.

Nous abdiquerons ! avait hurlé Charlotte.

Abdiquez… lui répond flegmatiquement l’empereur des Français.
 

Étonnantes missives de l'impératrice Charlotte entre folie et grandeur

Le 22 août, Charlotte écrit à Maximilien : Je pars d’ici demain pour Miramar… Ceci te prouve que je n’ai rien obtenu.

Brusquement, le ton de la lettre change ; surgit la manie de la persécution ; la folie n’est plus loin : Napoléon veut commettre une mauvaise action préparée de longue main, parce qu’il représente le principe du Mal dans le monde. Suit une phrase incompréhensible : Un grand résultat de ma présence ici, c’est que le vin est dévoilé (?)

En route pour Miramar, Charlotte s’arrête à Côme, cher l’archiduc Rénier, qui est frappé de l’altération de sa personne. Les lettres datées de Miramar, qu’elle adresse à Maximilien, en septembre, sont de plus en plus confuses : méfiance, impatience, violence : passons-nous du concours de la France, et désespoir, se mêlent aux souvenirs du passé, aux évocations de leur lune de miel, en ce même château, à leurs espoirs, encore si récents. Cette déchirante correspondance de Miramar à Mexico, qu’a publié Corti, reste toutefois d’une grandeur tragique, d’un ton extraordinaire : L’Autriche n’est plus ; elle devient un empire magyar… On y voit, comme en un miroir magique, l’irrémédiable déclin de l’Europe : Nous sommes à présent, en Amérique, si remplis de jeunesse et d’avenir, que nous n’avons plus besoin que de civilisation et d’hommes… au contraire, en Europe, tout apparaît comme un jeu d’enfant ; on ne mesure sa petitesse et sa faiblesse qu’après avoir été là-bas.

Ces lettres, arrivées à Mexico presque à l’instant de la première crise de démence de Charlotte, ont-elles remonté le courage défaillant du monarque solitaire ? Cette dernière lettre, aussi, pleine de foi dans l’avenir, est d’une étrange visionnaire :

Il faut introduire la monarchie selon la méthode moderne. La république est une marâtre, comme le protestantisme… Tu auras le plus bel empire du monde… En Europe, les convulsions continueront pendant des années… L’Autriche perdra tous ses États. Tu ne pourras te mettre à la tête d’aucune de ces opérations d’unification, qui, en fin de compte, profitent au peuple.

Étrange et lointaine entente, à travers les mers, d’un ménage disloqué. Maximilien trompe Charlotte, mais l’admire. À distance, il sent toute la valeur de celle dont il est soudain séparé, de sa sagesse, de sa virile intelligence, de son grand cœur qui éclate dans ses lettres, dont les premiers mots sont toujours : Mon amour chéri… Il comprend enfin tout l’amour qu’elle lui porte.

L'impératrice Charlotte exige de passer la nuit au Vatican

L’heure est venue pour Charlotte de se rendre à Rome. Le pape est son dernier atout ; s’il accepte un concordat avec le Mexique, Maximilien peut encore être sauvé. Quand les Français partiront, il faudra à tout prix réaliser d’abord l’union nationale, et que les cléricaux n’inquiètent plus les libéraux. Or, la droite mexicaine n’obéit qu’au pape ; la solution du problème est donc à Rome. Le 25 septembre, le Saint-Père reçoit Charlotte avec les plus grands honneurs : cardinaux assemblés, gardes nobles à cheval, corps diplomatique, chambellans, Suisses pontificaux… Cette première visite dure plus d’une heure. Charlotte s’agenouille devant la soutane de laine blanche ; le Saint-Père la relève. Le 28, le pape fait rendre à Charlotte, descendue à l’Albergho di Roma, sa visite. La conversation devrait, protocolairement, se terminer là. Mais la folie se moque du protocole. Le 30 août, dès huit heures du matin, pendant que Pie IX prend son petit déjeuner, on lui annonce brusquement l’impératrice du Mexique. Charlotte, en propos décousus, aligne les mêmes griefs, puis voyant le pape tremper un biscuit dans son chocolat, l’impératrice plonge ses doigts dans la tasse :

Je meurs de faim ! dit-elle, je ne puis toucher à rien !… Tout est empoisonné !… Les gens de ma suite sont soudoyés par Napoléon III qui veut ma mort !

Le cardinal Antonelli engage doucement la pauvre égarée à rentrer à son hôtel. Mais elle ne se sent en sécurité qu’auprès du Saint-Père. La journée se passe. Elle entend coucher au Vatican. Il faudra finalement en passer par là ; on lui dresse un lit, ainsi qu’à sa dame d’honneur, dans la bibliothèque (ce sera la seule fois où des femmes auron couché au Vatican). Charlotte passe la nuit à pousser des cris déchirants ; elle exige que le pape lui prépare ses aliments ; elle ne mangera que si on le lui assure.

Ramenée enfin à son hôtel elle arrête l’escorte, descend de sa voiture, à la Piazza della Pilotta, court se désaltérer avidement à la fontaine publique, où, chaque jour, jusqu’à la fin de son séjour, elle descendra elle-même désormais pour remplir d’eau sa carafe. Elle ne dort plus, de peur d’être égorgée dans son sommeil ; avant de prendre de la nourriture, elle la fait goûter à un chat, devant elle. Ces scènes shakespeariennes, en pleine Italie garibaldienne, se prolongent jusqu’au début d’octobre.

Dans la bibliothèque vaticane, Charlotte avait, pendant la nuit, rédigé ses dernières volontés, craignant, disait-elle, d’être assassinée à son hôtel ; elle veut qu’on l’enterre à côté de saint Pierre, dans la basilique même ; elle lègue tout ce qu’elle possède à Maximilien, à qui elle adresse une touchante lettre d’adieu ; elle ne veut être ni autopsiée ni exposée après sa mort.

L’impératrice Charlotte se promène de long en large, les yeux hagards

Elle s’enferme à clef dans son appartement, raconte Blasio (Maximiliano intimo). Seule sa femme de chambre peut entrer, mais il faut que les dames d’honneur restent à la porte ; Napoléon III les a soudoyées pour l’empoisonner…

Sortez, Mme Kuhachevich ! Je ne veux plus entendre votre nom !… Que le docteur Bouslaveck ne se présente plus ici, s’il ne veut pas être incarcéré !… La nourriture de l’hôtel, jamais ! Tout est empoisonné ! Des poulets, mais vivants, que Mathilde fera cuire ici sur le poêle ! Mes désirs sont des ordres… Blasio, asseyez-vous ici, et écrivez : Attendu que le comte del Valle de Orizaba, notre grand chambellan, a fait partie d’un complot… Nous le destituons par les présentes de tous ses titres, charges et honneurs…

Habillée et coiffée avec le plus grand soin, Charlotte, qui a gardé sa belle figure sévère sous sa sombre chevelure, se promène de long en large en dictant, tandis que les poules vivantes, attachées au grand lit doré surmonté d’un dais de soie, battent des ailes, chaque fois que l’impératrice les frôle de sa crinoline.

Son visage, écrit Blasio, était tiré et amaigri, ses pommettes saillantes et rouges, ses prunelles dilatées brillaient d’un extraordinaire éclat, et quand ses regards ne s’arrêtaient pas fixement… ils erraient, incertains et hagards…

L’officier pontifical, commandant l’escorte impériale, attend en bas, aux ordres de Votre Majesté…

C’est bien. Qu’il aille m’acheter sur la place des châtaignes rôties ! J’aperçois d’ici le marchand de marrons… Il ne saura pas que c’est pour moi… On ne peut empoisonner des marrons…

Les marrons apportés, Charlotte se jette dessus avidement. Maximilien, qui, à ce moment, se préparait à quitter Mexico et assistait au déménagement de son palais, reçoit les premières nouvelles de Miramar, lui annonçant la démence de Charlotte. Il reçoit aussi une lettre de l’archiduchesse Sophie : Si Maximilien quitte le Mexique, qu’il ne revienne pas en Autriche, où son rang d’archiduc ne lui sera pas rendu. (Le bruit court à Vienne, qu’après Sadowa, François-Joseph aurait été reçu dans sa capitale aux cris de « Vive Maximilien ».)

L’« empire de Maximilien » réduit à Mexico, Puebla et Veracruz

En proie à la fièvre et à la dysenterie, privé du soutien de Charlotte, Maximilien vit au jour le jour, préparant sa descente sur Orizaba, s’abandonnant, oscillant, donnant sa parole, oubliant qu’il l’avait donnée, voyant même sans regret partir l’armée française. Bazaine, bien que maréchal, a été remplacé par un général de brigade, Castelnau, homme de confiance des Tuileries. Castelnau est chargé de l’évacuation, qui commencera au début de 1867. Déçu par les libéraux, Maximilien se rapprochait maintenant des cléricaux ; retour au passé, à l’Inquisition du temps de Ferdinand VII. Il fallait bien renouer avec ce passé, puisque le présent lui échappait. L’aventurier Miramon, Marquez, le père Fischer, à qui il donne désormais sa confiance, ramènent Maximilien à Mexico. Les rapports avec Napoléon III sont maintenant si tendus que, le 18 décembre 1866, les Tuileries ordonnent de faire rentrer non seulement le corps expéditionnaire français, mais la Légion étrangère, et tous les Français du Mexique qui voudraient revenir.

Castelnau redescend jusqu’à Puebla, à la rencontre de Maximilien, qui propose de réunir le Congrès constituant, conseillé par les Tuileries. Bazaine, qui joue double jeu, recommande à Maximilien de garder la couronne, et, en même temps, se plaint au ministre de la Guerre, maréchal Niel, que l’empereur refuse d’abdiquer. Maximilien convoque Bazaine pour une explication, mais celui-ci ne se donne même plus la peine de se déranger, tout occupé à organiser la retraite de ses troupes, de sa jeune épouse mexicaine et à poursuivre sa chasse aux papillons. Le palais de Mexico était démeublé ; l’empereur s’installe dans une hacienda des environs. Il vit dans l’irréel, dans un royaume plus vide que son palais vide, plus désert que les grands déserts mexicains. Un mois plus tard, le 5 février 1867, Bazaine, évacuant vingt-six mille Français, descendait, musique en tête, pour masquer son déshonneur, vers Orizaba et la côte, où il s’embarqua le dernier, après avoir fait sauter toutes ses munitions.

À sa fenêtre, derrière un rideau, Maximilien regarda partir l’armée française. Marquez, son nouveau général en chef, prétend qu’il se serait écrié : « Enfin, me voilà libre ! » N’a-t-il pas plutôt évoqué la lettre par laquelle Napoléon l’avait forcé à accepter l’empire du Mexique : Vous n’avez pas le droit de tromper les espérances que la France a mises en vous !

L’« empire de Maximilien » s’est recroquevillé jusqu’à ne plus comprendre que Mexico, Puebla et Veracruz. Sur Maximilien descendent du nord, comme des colonnes d’insectes meurtriers, les juaristes flanqués de flibustiers yankees. Puebla tombe ; la route de la mer est encore libre, mais Maximilien dit : « Un Habsbourg ne s’en va pas en jetant son fusil. » Il s’enferme dans Querétaro où il n’a plus que sept mille hommes à opposer aux vingt-cinq mille du général juariste Escobado. Il est bloqué pendant soixante-douze jours dans Querétaro, épuisé, affamé, en proie à la dysenterie. C’est la capitulation inévitable. Juarez triomphe ; ce descendant des Indiens de Montezuma va se venger sur le descendant de Charles Quint.

Il le fait passer devant un tribunal militaire qui le condamne à mort. Le monde enfin s’émeut. Les grandes puissances font des démarches ; la France et l’Angleterre pressent les États-Unis d’intervenir ; et Washington demande, pour le condamné, le traitement des prisonniers de guerre ; François-Joseph restitue à son frère ses biens et son rang d’archiduc ; une Américaine courageuse, la princesse Salm, supplie Juarez.

Non, hurle-t-il, il a fait fusiller mes partisans à Zacoteca (par ordre de Bazaine). Si je le gracie, c’est moi qui serai massacré.

L’empereur Maximilien est condamné à la peine de mort

Incarcéré au couvent des Capucins, Maximilien reçut, avec cette indifférence que donne l’extrême souffrance, l’avis de sa condamnation à mort. Geste surprenant dans sa prison, il met encore sur pied, avec l’aide du prince Salm, une promotion dans l’ordre de la Noblesse. Démence ? Inconscience ? Mépris de la mort ? Il ne tremble pas. Il écrit à sa femme :

Ma bien-aimée Charlotte, tu as emporté avec toi mon bonheur et mon âme. Pourquoi ne t’ai-je pas écoutée ?… J’attends la mort comme l’ange de la délivrance. Je meurs sans agonie. Je tomberai avec gloire comme un soldat, comme un roi vaincu. Si tu n’as pas la force de supporter tant de souffrance, si bientôt Dieu te rend à moi, je bénirai Sa main… Adieu. Ton pauvre Maximilien.

La peine de mort était exécutable dans les trois heures. Maximilien avait retrouvé tout son calme et sa majesté. Il ne demanda qu’une faveur : être tué seul. Elle lui fut refusée. Il distribua une once d’or à chacun des soldats des trois pelotons d’exécution. Le tableau de Manet a immortalisé la scène. L’empereur tomba, en habit noir, frappé de six balles, à l’ombre du drapeau rouge, jaune et vert.

Le dernier voyage de Maximilien

La frégate Novara reçut, à Veracruz, le corps de Maximilien, que Juarez accepta de rendre, non sans s’être fait longtemps prier. L’amiral autrichien Tegethoff ramena le corps à Trieste, d’où il fut transporté à Vienne et inhumé dans la crypte des Capucins, le 20 janvier 1867. À Miramar, où les plus célèbres aliénistes avaient été appelés, derrière les fenêtres vissées du petit pavillon du Gartenhaus, la malheureuse Charlotte saluait dans le vide « Maximilien, maître de la terre ». Ses officiers et ses dames d’honneur mexicains la rationnaient, et se partageaient sordidement les revenus de la démente. Entre Vienne et Bruxelles s’était engagé une lutte déplaisante à qui garderait Charlotte. Le roi Léopold II réclamait sa sœur ; enfin, la reine des Belges, ange de charité et de pitié, obtint la permission de la ramener en Belgique. L’archiduc Charles fut chargé de se rendre à Miramar et de déposer Charlotte entre les mains de la reine. Le train spécial dut attendre encore dix jours en gare de Trieste. Enfin, le 31 juillet 1867, l’impératrice du Mexique arrivait au palais de Laeken et, sept jours après, était transportée au château de Tervueren. Elle avait vingt-six ans. Pour ne pas effrayer la malade, tout le monde, ces jours-là, quitta le deuil de Maximilien…

À Tervueren, elle se promenait toute la nuit, et, à l’aube, se laissait tomber sur un siège, refusant de se déshabiller, partagée entre des rêves d’ambition et la terreur de l’empoisonnement. « Ses idées fixes reparaissent au moment où on y pense le moins », dit la princesse Clémentine.

Charlotte avait de longues périodes de lucidité où elle retrouvait ses goûts, son plaisir de vivre, mais pas une fois elle ne mentionna Maximilien. Elle n’essayait pas de lui écrire. Vers 1868, sa santé s’améliora notablement ; on put même lui révéler la mort de son époux. Mais à partir de 1869, elle sombrait définitivement. Elle s’éteignit le 19 janvier 1927, au château de Bouchart où on l’entendait parfois, la nuit, jouer toute seule l’hymne mexicain. Elle refermait le piano comme un cercueil, en prononçant ces mots qui résument toute sa vie : « Un grand mariage… et puis, la folie. »

Paul Morand de l’Académie française

À suivre : Mes rencontres avec Mao par Edgar Faure

 

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