HENRI IV, LOUIS XIII ET RICHELIEU
Henri IV réussit un tour de force en maintenant dans son royaume les deux religions [...]. Mais il disparaît, assassiné, en 1610. Marie de Médicis [...] ne possède pas l'habileté politique de son mari, il s'en faut de peu que les guerres de Religion reprennent de plus belle. Mais Richelieu [...] parvient par la force à éviter à la France le retour au chaos. Richelieu n'étant point éternel [...], le royaume, à cause des Parlements, puis des princes, va s'enfoncer dans une période noire et désastreuse : la Fronde [...]. Mazarin et Anne d'Autriche, qui assurent la régence, sortiront vainqueurs de cette période.
Catholiques et protestants se réconcilient
Après les violences qui ont épuisé le royaume, Henri parvient à obtenir une paix qui va permettre la cohabitation entre les deux religions. L
25 février 1594 Henri est sacré à Chartres
Petit retour en arrière pour voir Henri IV se convertir au catholicisme, le 25 juillet 1593 dans l'église de l'abbaye de Saint-Denis où le reçoit l'archevêque de Bourges. Le 25 février 1594, il est sacré roi dans la cathédrale de Chartres. Pourquoi Chartres ? Parce que Reims est encore aux mains des ligueurs catholiques extrémistes qui ne veulent toujours pas admettre pour roi Henri le Béarnais pourtant converti à leur religion, alors que la plupart des grandes villes de France se sont ralliées à son panache blanc ! Peu à peu, les Espagnols catholiques, qui protègent les ligueurs, sont invités à repartir au soleil ibère. Mais Paris reste encore à conquérir !
13 avril 1598 L'édit de Nantes
Voici l'essentiel des quatre-vingt-douze articles de l'édit de Nantes qui va permettre aux catholiques et aux protestants de vivre ensemble : la liberté de conscience est étendue dans tout le royaume, sauf à Paris et dans une grande partie de la Bretagne ; l'exercice du culte réformé est libre dans une ville par bailliage ou sénéchaussée, ainsi qu'au domicile du seigneur haut-justicier ; les Réformés ne seront pas privés de leurs droits civils ; ils peuvent ouvrir des académies ; cent cinquante lieux de refuge leur sont accordés, dont cinquante et une places de sûreté ; ces places de sûreté pourront être défendues par une armée potentielle de 30 000 soldats ; une dotation de 45 000 écus est prévue pour le traitement des pasteurs.
Les deux mamelles de la France
Le but du roi : remettre la France debout et faire entrer l'argent dans les caisses du royaume. Et pour cela, il sait prendre les mesures efficaces en réduisant les dépenses : suppression de tous les anoblissements accordés depuis vingt ans, surveillance étroite de la perception des impôts, mais aussi obligation, pour les titulaires d'offices, de payer au roi ce qu'ils lui doivent, poursuite des financiers malhonnêtes. Les comptables de l'administration royale doivent tenir des registres pour y inscrire quotidiennement les recettes et les dépenses. Son credo ? L'agriculture ! Il résume ses convictions dans une formule célèbre : « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France, ses vraies mines et trésors du Pérou. » [Autre] voeu du roi : que chacun de ses sujets puisse mettre « une poule au pot tous les dimanches ».
14 mai 1610 Je suis blessé ! Henri meurt...
Le carrosse ouvert - tant il fait chaud ce jour de mai - s'engage dans la rue Saint-Honoré. Il faut prendre ensuite la rue de la Ferronnerie. Une charrette de foin l'encombre, au niveau de l'actuel n° 11. Les valets descendent du carrosse pour la faire dégager. Alors, une ombre surgit de la foule bruyante et des encombrements. C'est un homme à la barbe rousse et aux cheveux dorés. Il grimpe sur une borne, puis s'agrippe à l'une des roues du carrosse, sort un long poignard dont il frappe avec violence et par deux fois le roi Henri. Le premier coup a glissé sur une côte, le second est entré entre la cinquième et la sixième côte, a perforé le poumon et tranché l'aorte. Henri s'écrie : « Je suis blessé ! » Il perd connaissance. Le carrosse fait demi-tour, fonce vers le Louvre, il s'arrête dans la cour sud-ouest de la Cour carrée. On veut en descendre le roi : il a cessé de vivre. Son assassin s'appelle François Ravaillac.
Marie de Medicis désignée régente
La mort du bon roi Henri [...] afflige la France tout entière, elle plonge Marie dans le désespoir. Pourtant, à peine deux heures après l'assassinat, elle a été désignée régente par le Parlement. Elle va prendre son rôle très au sérieux [...], tous ceux qui l'entourent s'étonnent et s'émerveillent de sa grande capacité de travail. Le jeune Louis XIII possédera-t-il [...] les qualités de son père ?
1614 à 1615. Des états décevants
Les états généraux s'ouvrent le 27 octobre 1614 - ils vont se terminer en février 1615. Un certain Armand du Plessis de Richelieu, évêque de Luçon, y remplit la charge d'orateur du clergé. Le tiers état - qui ne représente alors que la bourgeoisie enrichie - demande l'abolition des pensions dont vivent les nobles, et qui grèvent le budget de l'Etat. Les nobles, quant à eux, exigent l'abolition de la paulette, une mesure financière prise en 1604 par Charles Paulet, ministre d'Henri IV, et qui instituait l'hérédité des charges moyennant une taxe annuelle, système qui bénéficie à la bourgeoisie. En fin de compte, rien n'est décidé durablement, les états généraux sont clos, les députés invités à renter chez eux en février 1615. Le roi fait de vagues déclarations aux députés qui ne veulent pas quitter la capitale sans certitudes. Il leur dit que la vénalité des charges est abolie et que les pensions sont diminuées - en réalité les pensions ne diminueront guère, et la paulette ne sera abolie qu'à la Révolution de 1789... Le grand vainqueur de ces états généraux est le pouvoir royal qui se trouve renforcé, les députés constatant qu'ils n'ont aucun moyen d'action contre le roi et ceux qui l'entourent, quels qu'ils soient : les privilégiés.
1616. Concini nomme Richelieu secrétaire d'Etat
Condé la menace ! Toujours là, Condé ! [...] Condé, le protestant, accroît son prestige à la cour, au point qu'on imagine qu'il veut [...] prendre la place du roi ! Aussi, le 1er septembre, alors qu'il entre au Louvre, il est arrêté et emprisonné au château de Vincennes. Les Concini s'emploient ensuite à rénover le conseil du roi : ils en écartent les anciens, trop dévoués à la mémoire d'Henri IV [...]. Ils les remplacent par une nouvelle génération dont fait partie Richelieu qui devient secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères et à la Guerre.
Le roi affronte sa mère
Les relations entre le jeune roi [Louis XIII] et le cardinal sont d'abord perturbées par l'assassinat de Concini, l'influence de Charles de Luynes, et par la guerre que se livrent la mère et le fils. Mais Richelieu rentre en grâces par l'entremise de Marie de Médicis. Ainsi naîtra l'un des tandems politiques les plus efficaces qu'ait connu la France.
7 aout 1620 Les soldats fuient comme des lapins
Cela n'empêche pas, à peine un an plus tard, que Marie de Médicis, qui n'accepte pas la paix imposée par son fils à Couzières, s'allie au duc d'Epernon. Celui-ci, aidé des princes révoltés et de Richelieu, réunit une armée et décide d'attaquer Louis XIII, parce qu'il refuse de s'associer à l'empereur du Saint Empire dans la lutte contre les protestants, alors qu'il lui avait promis une armée en décembre 1619. Cette fois, la mère et le fils vont s'affronter. Le 7 août 1620, leurs troupes se rencontrent aux Ponts-de-Cé, près d'Angers. Mais il fait si chaud que les soldats de la reine, peut-être mal entraînés, ou mal payés, s'enfuient comme des lapins devant la troupe royale ! La paix est signée. La reine demande à retrouver sa place au Conseil du roi. Sa demande est exaucée. Louis XIII donne son pardon à Epernon.
Richelieu : la grandeur de la France avant tout !
Epernon pardonné ? Les protestants considèrent cet acte d'autorité royale inacceptable et, de leur place forte de La Rochelle, ils organisent la guerre civile. Jusqu'en décembre 1621, Louis XIII va remporter victoire sur victoire contre les cités qu'ils ont réussi à soulever. Luynes est peu à peu écarté : son indécision, sa lâcheté en certaines circonstances le font tomber dans une demi-disgrâce où vient le cueillir une fièvre pourpre, le 15 décembre 1621 ! L'heure de Richelieu a sonné. Richelieu qui va mettre en oeuvre une certaine idée de la France...
1628 Il faut détruire La Rochelle
Première étape : l'édit de Nantes, en 1598 ! Ce fut sans doute un édit qui ramena la paix, mais il a créé dans le royaume selon la formule connue du cardinal, un « Etat dans l'Etat ». L'urgence consiste donc à attaquer cet Etat protestant, à le réduire au point qu'il ne constitue plus jamais une menace. Cette menace est bien réelle. Elle se situe surtout dans la ville de La Rochelle. Ce port, qui sert de refuge à de nombreux huguenots en des temps de troubles, reçoit l'aide des Anglais toujours prompts à intervenir lorsqu'il s'agit de mettre en péril le pouvoir royal. Et qui sait, cette place forte pourrait bien devenir comme une seconde capitale, le bastion d'où les protestants, financés par l'Angleterre, pourraient en peu de temps s'emparer de tout le territoire, le roi d'Angleterre portant toujours le titre de roi de France ! Il faut donc détruire La Rochelle ! La ville se rend le 28 octobre. Il y avait 28 000 habitants à La Rochelle. Ils sont 5 500 survivants à qui Louis XIII accordera son pardon.
28 juin 1629 La paix d'Alès
La Rochelle est vaincue ! La première étape du plan de Richelieu est confirmée le 28 juin 1629 par l'édit de grâce de Nîmes, appelé la paix d'Alès : la liberté de culte est toujours accordée aux protestants ; les places fortes sont démantelées, leurs fortifications rasées ; le culte catholique est restauré dans les régions dominées par les protestants.
10 novembre 1630 La journée des dupes
La reine, tout étonnée, voit apparaître Richelieu, et cette apparition ne fait que redoubler sa colère [...] : elle crie au roi qu'elle ne veut plus de ce cardinal au Conseil, qu'il doit s'en séparer immédiatement ! En furie, elle sort, et annonce à son parti que c'en est presque fait de l'éminence rouge, que le roi a presque pris sa décision. On la félicite, on la congratule, on se réjouit que le cardinal soit déchu. [...] Mais Louis XIII n'a rien dit. Il est parti à Versailles, le cerveau perturbé par les vociférations de son Italienne de mère ! Richelieu, dans la soirée, se rend auprès de lui. Le roi l'attend, debout et souriant : « Je veux que vous continuiez à me servir ! » On imagine la suite : emprisonnements et destitutions vont se succéder. Un courtisan, le comte de Serrant, aura cette phrase à propos du 10 novembre 1630 : « C'est la journée des dupes ! »
1636 Détruire ponts et moulins !
Malgré l'état catastrophique des finances, le roi Louis XIII déclare la guerre à l'Espagne le 19 mai 1635. L'année suivante, l'empereur germanique déclare la guerre à la France, Condé ayant envahi la Franche-Comté ! Toute l'Europe entre en conflit ! La France s'est fait deux alliées : la Suède et les Provinces Unies. En 1636, les troupes espagnoles entrent en France, prennent Corbie en Picardie, s'ouvrant la route de Paris ! Afin de ralentir leur avance, les Français détruisent ponts et moulins de l'Ile-de-France, puis ils repoussent les Espagnols à la frontière. C'est pendant cette avancée espagnole qu'un scandale est étouffé à la cour ou presque puisqu'on en parle aujourd'hui encore... : la reine Anne d'Autriche est prise en flagrant délit de correspondance avec l'ennemi !
1643 L'éclatante victoire de Rocroi contre les Espagnols
Louis XIII meurt le 14 mai 1643 et les Espagnols ont décidé de pénétrer en France par les Ardennes. Mais le meilleur de leur armée va se heurter au commandement d'un jeune homme de vingt-deux ans, Louis II de Condé... Ne serait-ce pas... ? Si ! C'est le fils de Charlotte de Montmorency ! [...] Condé a élaboré une stratégie : commandant l'aile droite de son armée, il a prévu d'enfoncer la cavalerie espagnole, mais de ne pas la poursuivre. Cette première étape réussie, il va alors opérer un habile mouvement par l'arrière des troupes adverses, attaquant à revers leur centre, puis leur aile droite. L'infanterie espagnole est pilonnée par les canons, et détruite. On dirait du Napoléon... La victoire est totale ! Le guerre de Trente Ans va se poursuivre par la défaite française de Tuttingen, en Allemagne, par les victoires de Condé et Turenne à Fribourg en 1644, à Nordlingen en 1645. Des négociations de paix vont s'ouvrir, qui se termineront en 1648, par le traité de Westphalie.
Douceur, souplesse, volonte : Mazarin
Le dauphin [Louis-Dieudonné, futur Louis XIV] avait pour parrain Jules Mazarin. Mazarin est le fils de Pietro Mazzarino, intendant d'une grande famille italienne, les Colonna, et d'Ortensia Buffalini, issue d'une famille noble. Né en 1602, à Pescina, dans les Abruzzes, il a fait de brillantes études au collège des jésuites à Rome. Compagnon de chambre du jeune Colonna, il étudie à l'université d'Alcala, en Espagne. Unanimement apprécié pour ses qualités de fin diplomate, parlant le français - correctement mais avec un fort accent -, il rencontre le cardinal de Richelieu en janvier 1630 à Lyon. Cette rencontre est déterminante. Richelieu tombe sous le charme de cet Italien au ton doux, aux attitudes dont la souplesse masque habilement une volonté ferme et déterminée. Nommé cardinal, bien qu'il soit étranger, laïc, et né roturier par son père, il devient ministre et chef du Conseil à la mort des deux inséparables Louis XIII et Richelieu.
1648 à 1652 Les excès de la Fronde
Avec un nom d'arme primitive, ce mouvement de révolte des parlements et des princes va mettre à feu et à sang la France, qui voit en Mazarin le créateur d'impôts, un ennemi à abattre.
Fin de la guerre de Trente Ans les traités de Westphalie
Le 24 octobre 1648, à Osnabrück et à Münster en Allemagne, les traités de Westphalie sont signés. Ils mettent fin à la guerre de Trente Ans : ils donnent aux princes allemands la liberté de religion dans leurs Etats. La possession des trois évêchés de Metz, Toul et Verdun est confirmée pour la France. De plus, elle reçoit la majeure partie de l'Alsace.
1649 Les princes entrent en révolte
La fronde du Parlement a donné des idées aux princes. En effet, le frère de Condé, le prince de Conti et leur soeur, la duchesse de Longueville, la Grande Mademoiselle, la cousine du roi, fille de Gaston d'Orléans, et puis La Rochefoucauld, Paul de Gondi, Bouillon et quelques fidèles décident de renverser Mazarin. Ainsi naît, au début de 1649, la fronde des princes.
Un invraisemblable charivari !
La capitale est livrée à l'anarchie ! Condé qui est maître de Paris envoie une bande de soudards massacrer des bourgeois, des magistrats et des curés rassemblés à l'Hôtel de Ville de Paris, et qui tentaient de trouver des solutions pour éviter les émeutes. On relève quarante morts ! Après quoi l'Hôtel de Ville est incendié. Condé devient général des armées, le frère du roi l'assiste en tant que lieutenant général, un gouverneur de la ville est nommé, Beaufort, et le vieux Broussel est nommé prévôt des marchands. Les Espagnols profitent de l'état de confusion extrême pour envahir le Nord en juillet 1652. Turenne qui a quitté Paris en toute hâte parvient à les repousser, mais ils prennent Dunkerque et Gravelines. La situation est confuse, absurde. En août, les bourgeois de Paris n'en peuvent plus : ils veulent absolument se débarrasser de Condé. Ils opèrent un rapprochement avec Anne d'Autriche, mais exigent pour son retour à Paris que Mazarin disparaisse. Celui-ci accepte de quitter la France et gagne la Belgique.
Février 1651 La grande peur de Louis XIV
C'est alors que se déroule, dans la nuit du 8 février 1651, un événement qui va profondément marquer le jeune Louis XIV : le peuple envahit le palais du Louvre, cherche la chambre du roi, en ouvre les portes afin de voir s'il ne s'est pas enfui. Leur violence est telle qu'il craint pour sa vie. Mais cette foule surexcitée s'en va et laisse le roi marqué par une humiliation dont il ne cessera de se venger plus tard. Le palais de Mazarin est pillé et ses biens sont confisqués. Il s'enfuit alors près de Cologne au château de Brühl après avoir fait libérer les princes qui avaient été dirigés vers Le Havre. Condé rentre à Paris en triomphateur où il retrouve son nouvel allié, Gondi !
Février 1653 Mazarin est acclamé !
Les négociations avec Anne d'Autriche ayant abouti, les bourgeois demandent au roi et à la reine de revenir dans la capitale. Le 21 octobre 1652, le roi Louis XIV, quatorze ans, y fait une entrée triomphale ! Il s'installe au palais du Louvre. Le lendemain il décide une amnistie générale, sauf pour les plus agités dont le vieux Broussel. En janvier 1653, la capitale retrouve son calme. En février, Mazarin rentre à Paris. La foule, qui a tant réclamé son départ, l'acclame : elle est lasse de tous les désordres, consciente de la ruine dans laquelle le pays a été plongé. Mazarin commence par nommer Nicolas Fouquet surintendant des Finances : ce procureur au Parlement de Paris a su préserver et accroître la fortune du cardinal pendant son exil ! L
La fin de la Fronde
Mais de nouveaux troubles éclatent en Guyenne où un gouvernement indépendant s'est constitué. Une armée recrutée par Mazarin part pour reprendre Bordeaux, qui capitule le 3 août 1653. Condé, passé aux Espagnols et qui commandera une de leurs armées contre la France jusqu'en 1658, est condamné à mort. C'en est fini de la Fronde, de cet invraisemblable charivari qui a tant dévasté les campagnes, tant fait souffrir les pauvres gens ! La révolte du Parlement, celle des bourgeois et celle des princes ont échoué. La victoire revient au pouvoir royal qui sort renforcé de ces épreuves.