Festival Historia. Les nouvelles stars de l'arène

 
 Strasbourg, 16-18 février 2018

 

An 2017 apr. J.-C., plaine de Comps, à quelques milles de Nemausus (Nîmes). Les grands arbres agitent leurs frondaisons, le Gardon roule ses galets, l'air est frais, un peu piquant, et l'herbe joue les gazons anglais. Un terrain idéal pour pique-niquer, aider le petit dernier à faire ses premiers pas ; ou le plus grand, ses premiers tours de vélo. Sauf que la machine à remonter le temps nous joue des tours. Nous voilà transportés en 61 apr. J.-C., dans une lande du centre de la Bretagne - la Grande. Les légions de l'empereur Néron sont face au peuple celte des Icéniens, poussés à la révolte contre l'envahisseur par leur reine, Boudicca.

Les hommes de la Legio X Gemina et de la Legio VI Victrix ainsi que leurs auxiliaires celtes attendent l'assaut de pied ferme derrière leurs boucliers rouges barrés d'un X noir, ou d'argent et d'azur ornés des ailes de la victoire. Le choc est brutal. Les Barbares, troupe d'hommes en tuniques et braies à carreaux, armés d'épées et de couteaux, se protègent tant bien que mal derrière leurs boucliers de bois. Mais leur fougue se brise sur le mur de métal des légionnaires revêtus de leur armure à plaques d'acier, la lorica , ou de lourdes cottes de mailles. Les corps roulent dans une mêlée sauvage et se figent. Le temps s'arrête. Puis les ordres fusent, ressuscitant les morts, hilares, prêts à reprendre le combat... Dans deux mois à peine, tous devront être prêts pour le spectacle qui aura lieu dans les arènes de Nîmes devant 30 000 spectateurs, dont, selon les augures, de nombreux « Grands-Bretons ». N'ont-ils pas érigé, au XIXe siècle, devant le pont de Westminster, en symbole de leur indépendance, une statue de Boudicca conduisant un char de guerre ? La reine à la légendaire crinière d'un roux flamboyant, incarnée par la comédienne Jeanne de la Jungle, n'est pas venue voir ses troupes s'entraîner. Mais le deus ex machina des Grands Jeux romains de Nîmes, lui, est bien présent, sous l'armure et le manteau pourpre du tribun de la 6e légion. Traits burinés, cheveux d'argent, carrure taurine, c'est un meneur d'hommes qui n'en est pas à sa première campagne. Et les dieux sont témoins qu'elles furent rudes.

Compétences scientifiques et expérience du combat

Éric Teyssier, alias Sextus Macrinus Adgenas, évoque ses débuts de jeune universitaire passionné par la Révolution et par les arts martiaux. Une pratique qui lui a fait reconsidérer l'image traditionnelle des gladiateurs, esclaves dressés au combat et sacrifiés dans l'arène à la demande de la plèbe déchaînée, pouce baissé. Une invention du peintre Jean-Léon Gérôme, dans son célèbre tableau Police verso (1871), reprise dans tous les péplums hollywoodiens. Après des années d'étude des textes antiques et d'expérimentation des équipements et des techniques de gladiature, Éric Teyssier a publié les résultats de ses recherches. Il est aujourd'hui maître de conférences en histoire ancienne à l'université de Nîmes. Président d'honneur de l'association de reconstitution historique Lorica Romana, basée à Comps, il met à son service ses compétences scientifiques et son expérience du combat, et conçoit, avec la société Culturespaces, chargée des arènes de Nîmes, et son directeur, Michael Couzigou, les scénarios et la scénographie des Jeux.

En l'an 122, l'empereur Hadrien, de retour de Bretagne, s'est arrêté à Nîmes, où il a assisté aux jeux. C'est donc en son honneur que les spectacles sont donnés depuis 2011. Nous le rencontrons à Comps, sous le costume inattendu d'un guerrier celte entraînant ses troupes. C'est que Robert Dupoux, outre sa couronne impériale, a de nombreuses casquettes. Officier dans l'armée de l'air et chanteur d'opéra - il a créé le Choeur de l'armée française -, il est aussi un adepte des arts de combat. Et comme toutes les « voix » mènent à Rome, il est aujourd'hui le président de l'association Les Mercenaires du temps, qui a rencontré la gloire grâce aux différents documentaires et films qui lui ont été consacrés. Robert imperator , alias Hadrien, reste modeste sous sa couronne de lauriers d'or et s'amuse des réactions du public, qui le siffle lorsqu'il descend de son char en utilisant un esclave comme marchepied, ou lui fait un triomphe lorsqu'il fait le tour des arènes ou consent à des séances de selfies avec les spectateurs.

Une entrée pleine d'émotion sous les clameurs de la foule

Son compère Bernard Roquejoffre a eu un parcours bien différent. Peintre et professeur d'histoire de l'art, il entretient une passion vibrante pour la Rome antique, avec laquelle il vit en parfaite intimité, fresques aux murs façon Pompéi et mobilier à la romaine. Pour les spectacles, il dessine les armes et coud les costumes. Pendant les Jeux, il tient le rôle sacré du flamine, le grand prêtre du culte impérial. Robert, Bernard, tous deux ont développé, à travers ces expériences vivantes, une connaissance du monde romain, de ses coutumes, ses usages, ses cérémonies et son histoire, digne des experts en la matière.

L'engagement des plus jeunes passe d'ailleurs pour certains par l'histoire, Éric Teyssier jouant ici un rôle majeur d'éveilleur et de recruteur. Mathilde Carpentier, une de ses anciennes étudiantes, s'est engagée dans la Lorica Romana, de même que Maud Harnichard, jeune conservatrice du patrimoine. Elles apprécient la mixité professionnelle et sociale de la Lorica - « Nous ne sommes pas tous d'anciens militaires ou des champions d'arts martiaux » -, et la mixité sexuelle qu'elles assaisonnent d'une pointe revendiquée de féminisme : démontrer qu'elles peuvent se battre aussi bien que les hommes dans les troupes celtes ! L'association Equi Tempus est venue renforcer les troupes à pied, et bientôt leurs chevaux, dressés à la guerre ou à la cascade, viendront prendre leur part de la victoire... ou de la défaite ! Mais pour ces bénévoles - plus de 250 Français et 250 Italiens dans le spectacle final -, quel que soit leur engagement, reste à vivre l'immense émotion de leur entrée, sous les clameurs de la foule, dans ces arènes uniques au monde sur lesquelles plane encore l'ombre auguste du grand Hadrien.

Joëlle Chevé

 


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