
Festival Historia. « Grâce aux jeux vidéo sur Napoléon, j'ai dévoré des livres sur l'Empereur »
Strasbourg, 16-18 février 2018
HISTORIA - Vous êtes passionné par Napoléon et l'Égypte, or vous m'avez confié avoir eu l'histoire en horreur pendant votre scolarité...
THIBAULT S. - Oh, oui ! Au collège, l'histoire était ma bête noire. J'ai été traumatisé par la succession de rois de France, les innombrables Louis. Je devais ingurgiter des faits et encore des faits sans pouvoir créer le moindre lien. Je ne me rappelle plus le nom de mes professeurs, mais l'absence de petites histoires derrière la grande, je l'ai retenue. Toutefois, je me souviens avec nostalgie des cours de Mme Rolfo, en sixième. Égypte, Grèce et Rome étaient illustrées par ses photos de voyage. Rien de tel pour donner vie à son propos ! Pour un gamin à l'imagination fertile, la mythologie, les héros, c'est du pain béni. J'avais tanné mon père pour qu'il achète L'Iliade et L'Odyssée , mes deux premiers ouvrages « historiques ». Hélas, le lycée m'a de nouveau dégoûté. Des professeurs tyranniques et des dates jusqu'à la nausée.
Comment prendre goût à l'Histoire après des expériences aussi « traumatisantes » ?
Par le jeu vidéo. Enfant, je jouais déjà, mais petit à petit, je me suis tourné vers les jeux de stratégie. À l'époque, ils étaient souvent associés à un cadre historique. Dans Alerte rouge , il fallait tuer Hitler pour éviter la Seconde Guerre mondiale. J'ai cherché des jeux dans cet esprit. J'ai passé des heures sur Age of Empires 2 ou des jeux de gestion dans l'Antiquité.
Des jeux historiques certes, mais l'histoire est alors un prétexte.
C'est vrai. Des jeux m'ont poussé au-delà du simple plaisir ludique. Close Combat retraçait l'opération « Market Garden », menée par les armées britanniques en 1944. J'ai voulu en savoir plus sur cet événement dont je n'avais rien retenu. Peut-être que des historiens vont crier à l'hérésie, mais j'ai regardé Un pont trop loin , le film de Richard Attenborough (1977). Un jeu d'action - Medal of Honor - m'a fait redécouvrir le Débarquement. Il sortait en même temps qu' Il faut sauver le soldat Ryan (1998). Le hasard fait bien les choses... Mais le véritable déclic est intervenu plus tard. En quête de nouveaux jeux, je suis tombé sur Imperialism II . Le contexte du XIXe siècle ne m'a pas captivé, mais j'ai adoré son aspect géopolitique et, naturellement, je me suis tourné vers Europa Universalis . J'en suis tombé amoureux. L'Histoire était plus qu'un décor, elle faisait partie intégrante du jeu.
Comment Europa Universalis a fait émerger cette passion pour l'Histoire ?
Le jeu se fonde sur l'histoire du XVIe au XVIIIe siècle. Comme les événements sont authentiques, fouiner dans les livres d'histoire nous apprend ce qui va arriver dans le jeu. Ce n'est pas une obligation, mais savoir à quelle date telle nation devient indépendante ou qui succède à Frédéric-Guillaume Ier évite les mauvaises surprises. On cherche aussi à comprendre les raisons d'une guerre afin d'être mieux préparé que les autres. Jamais je n'aurais pensé me passionner autant pour l'acte de La Haye ou le traité de Teschen !
Europa Universalis est-il un cas isolé ?
La plupart des jeux vidéo ne permettent pas une telle implication, mais ce n'est pas un cas isolé. Après Europa Universalis , j'ai découvert Hearts of Iron . Toutes les batailles, toutes les tractations de la Seconde Guerre mondiale figurent dans le jeu. Il est bon d'en connaître la chronologie. Avec mon frère, c'était à qui connaîtrait le mieux les tanks allemands ou les avions américains. C'était utile dans nos parties : ne rien ignorer des forces et faiblesses de chaque armée était un avantage.
En prélude à notre entretien, vous parliez de la franchise Assassin's Creed...
Oui, c'est un style différent. J'avais voyagé à Venise avant d'y jouer, mais, voir la ville en 3D, ça change la donne ! Le côté touristique passe au second plan et j'ai adoré les archives dans le jeu, en savoir plus sur les monuments, les personnages historiques de l'aventure. On rencontre Léonard de Vinci ou Machiavel et on se rend compte que certains éléments sont romancés. Ça devient le méta-jeu : on se demande si tel événement est vrai et on fait ses recherches.
Vous parliez de styles différents, Assassin's Creed est plus scénarisé ?
C'est ce qui me plaît. Les créateurs s'inspirent de faits réels. On vit la grande Histoire du point de vue de personnes qui lui sont étrangères. Ezio, le héros d' Assassin's Creed 2 , n'a jamais existé, il n'y a pas tromperie. En revanche, Bartolomeo d'Alviano ou Laurent de Médicis sont authentiques. Mêler ainsi jeu vidéo et Histoire est grisant. Dans Hearts of Iron , on infléchit le cours des choses. Dans Assassin's Creed , on est témoin d'événements qui nous dépassent.
Au-delà de l'aspect ludique, que vous apportent ces jeux à forte connotation historique ?
Jouer, c'est déjà pas mal ! Il m'est difficile de prendre du plaisir avec des jeux sans un solide background historique. Mais c'est vrai, ça va plus loin. Grâce au jeu Napoléon : Total War , je me suis pris de passion pour l'Empire. J'ai consulté des ouvrages encyclopédiques, mais j'ai surtout dévoré les biographies de l'Empereur. Cela influe aussi sur mes voyages. En Normandie, je ne pouvais manquer la visite du Mémorial de Caen et des plages du Débarquement. Même chose pour l'Égypte et la Grèce. Enfin, drogué du Net, je visionne les formats courts de youtubeurs à la mode, Nota Bene et Histoire Brève.
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* Thibault S., coordinateur pédagogique en prépa médecine, est représentatif de ces passionnés de jeux vidéo que rien ne destine à aimer l'Histoire. Et pourtant...
C'est le pari que relèvent des professeurs d'histoire-géographie et des psychologues. Fondateur de l'Observatoire des mondes numériques en sciences humaines, Michaël Stora utilise le jeu vidéo comme médiation thérapeutique auprès d'enfants souffrant de troubles du comportement. De son côté, Pascal Mériaux - formateur à l'académie de Lyon - exploite Assassin's Creed comme support de cours interactif en histoire-géographie. Il n'est pas question de faire jouer les élèves pendant les heures de cours : l'équipement serait insuffisant et, de toute façon, le jeu est interdit aux moins de 18 ans ! En revanche, Pascal Mériaux filme son périple à travers le Paris de la Révolution et profite des exceptionnelles reconstitutions signées Ubisoft pour enrôler ses élèves. À ceux qui critiquent les anachronismes du jeu, M. Mériaux explique qu'ils font l'objet de débat en classe. On apprend à questionner les sources, à démêler le vrai du faux. Et « tant mieux » si Jean-Luc Mélenchon s'indigne du traitement de Robespierre : les élèves apprendront que même un jeu vidéo peut devenir enjeu politique. Symptomatique, le cas d' Assassin's Creed montre que des jeux vidéo « classiques » peuvent être de vraies ressources pédagogiques, notamment en histoire. Aujourd'hui, des studios conçoivent même, avec des enseignants, des versions remaniées de standards. Ainsi GlassLab travaille-t-il avec les créateurs de l'excellent Civilization pour en faire un passionnant outil d'apprentissage de l'histoire et de la géographie en proposant de multiples clés aux professeurs. G. T.
World of Tanks est la figure de proue de l'éditeur Wargaming. Focalisé sur les affrontements entre chars d'assaut, il propose des batailles épiques impliquant des dizaines de participants à travers le monde. Sa gratuité et son incroyable souci du détail ont déjà convaincu plus de 110 millions de joueurs.
Avec plus de 100 millions de copies écoulées, Assassin's Creed est le jeu historique le plus populaire. Chacun des neuf opus a été l'occasion de dépeindre un contexte différent. « Unity » et « Syndicate », les deux derniers, ont ainsi reconstitué le Paris révolutionnaire et le Londres victorien.
40 millions de jeux écoulés depuis bientôt trente ans. La gamme Civilization ne cesse de faire rêver les amateurs de stratégie avec, chaque fois, la même recette : le joueur incarne le leader d'un peuple, qu'il conduit, des premières villes à la conquête spatiale, à travers plus ou moins six mille ans d'histoire.