Exclusif : Les élus "historiques" des candidats

En 2007, nous avions demandé à neuf candidats à l'élection présidentielle de désigner le personnage historique qui les inspire le plus, pour son rôle national ou international. Et d'expliquer pourquoi. Voici leur vote, riche d'enseignements à comparer avec celui des candidats de 2017.

François Bayrou vote Henri IV

Candidat de l'Union pour la démocratie française UDF.

Henri IV vivait dans le siècle le plus déchiré de l'histoire de France. Il a poursuivi sans cesse l'ambition de réconcilier les Français. Prince d'un Etat libre au pied des Pyrénées, il part à la conquête de son royaume. Prince protestant devenu roi catholique, il réussit l'impossible défi de ressouder la nation, par-delà les différences religieuses : c'est l'édit de Nantes. Le 30 avril 1598, il prit une décision, bienveillante et inspirée, à contre-courant de toutes les influences. L'édit de Nantes fait naître un nouveau monde, à partir de l'intuition d'un souverain, inspiré par toute une vie de combats, parfois de solitude. S'ouvre alors une période de redressement rapide pour la France, financier, économique, politique et moral. Redressement trop tôt interrompu par la mort tragique de ce roi, l'un des plus modernes de tous les temps.

Olivier Besancenot vote Che Guevara

Candidat de la Ligue communiste révolutionnaire LCR.

Mon personnage historique, c'est Ernesto Che Guevara. Le Che, de nationalité argentine, d'un milieu aisé, a su s'ouvrir sur les problèmes rencontrés par les paysans et les ouvriers en Amérique du Sud. Son voyage à moto à travers le continent sud-américain est fondamental pour son évolution politique. Sa vie, ensuite, se confond avec les tentatives faites pour mettre fin aux dictatures et construire une société débarrassée de l'exploitation capitaliste : échec au Guatemala en 1954, victoire à Cuba contre le dictateur Batista. Devenu ministre, et un des principaux dirigeants politiques au côté de Fidel Castro, il a su rester fidèle à ses idées internationalistes. Il n'a pas hésité à abandonner ses fonctions pour redevenir un guérillero au service des opprimés, un dirigeant révolutionnaire, n'hésitant pas à exposer sa vie pour la libération des exploités. Il combattit au Congo, en Bolivie où il trouva la mort, assassiné par l'armée bolivienne à la solde du gouvernement américain.

Marie-George Buffet vote Rosa Lee Parks

Candidate de la gauche populaire et antilibérale, Marie-George Buffet a suspendu ses fonctions de secrétaire nationale du Parti communiste français.

Rosa Lee Parks, cette femme américaine qui, en 1955, osa défier le racisme « réglementaire » aux USA est pour moi une référence. Parce qu'elle a tout simplement dit NON. Non à l'homme blanc voulant qu'elle lui cède sa place dans l'autobus. Par cet acte, elle creusera le sillon du mouvement des droits civiques qui parviendra à faire changer la législation fédérale. Jesse Jackson dira d'elle : « Elle s'est assise pour que nous puissions nous lever. » Rosa est une référence déterminante pour moi. Celle de la vie et de l'action d'hommes et de femmes « ordinaires » - elle était couturière - qui font avancer le monde dans le bon sens. Celle du courage personnel d'une femme pour défendre ses convictions. Celle de la détermination à faire triompher la justice, l'égalité, pour soi et pour l'humanité. A travers elle, je me réfère aussi à toutes ces femmes anonymes qui, à travers l'Histoire, nous ont ouvert la voie de l'émancipation et nous poussent aujourd'hui à poursuivre sur ce chemin.

Arlette Laguiller vote Homo erectus

Candidate de Lutte ouvrière LO.

Quand on regarde 10 000 ans d'histoire, il est difficile d'apercevoir un personnage unique qui s'élève vraiment au-dessus de tous les autres. Surtout qu'on n'a retenu que le nom des personnages historiques très en vue à leur époque, mais pas celui de tous les anonymes qui ont fait que les premiers ont joué un rôle historique. Sans ses armées, Napoléon Ier n'aurait été qu'un personnage bizarrement habillé avec un chapeau ridicule ; le Christ, on ne sait pas s'il a vraiment existé ; Jeanne d'Arc, est-ce de l'Histoire ou de la légende ? Et ce ne sont que des exemples car on pourrait passer en revue le nom de tous ceux qui sont cités dans les manuels scolaires et de ceux qui mériteraient de l'être, comme certains artistes, mais qui n'ont pas joué de rôle historique. Alors, si vous le permettez, je ne citerai pas un personnage historique, mais un personnage préhistorique anonyme : l'un des Homo erectus qui, il y a environ 500 000 ans, a inventé le feu et qui, ainsi, a changé l'avenir de l'humanité ou lui a peut-être même permis d'exister.

Jean-Marie Le Pen vote Jeanne d'Arc

Candidat du Front national FN.

Jeanne d'Arc est selon moi la plus haute figure de l'histoire multiséculaire de la France. Deux fois blessée au combat, prisonnière, humiliée, meurtrie, abandonnée par tous, par le roi, par l'Eglise, par l'Université qui tissait le complot autour d'elle, elle n'a jamais, hormis un court instant, douté de son destin et de celui du pays. Chef spirituel, chef militaire, chef politique, Jeanne nous a montré la voie de la libération. Chef politique, elle savait que la restauration de la souveraineté de la France était le préalable à son redressement. Chef militaire, elle nous a laissé l'exemple de son courage physique et moral : « Nous combattrons et, si Dieu le veut, la victoire nous sera accordée de surcroît. » Chef spirituel enfin, elle nous a enseigné qu'il n'y a pas de victoire sur terre qui soit seulement celle des armes, ou celle de la matière, et que les seules victoires pérennes sont celle de l'âme et celle de l'esprit.

Ségolène Royal vote Olympe de Gouge

Candidate du Parti socialiste PS.

J'aime ceux qui surent unir et relever la France. Et les éveilleuses de conscience comme Olympe de Gouge. Elle s'est affranchie des conformismes de son temps pour prendre au mot la promesse de liberté, d'égalité et de fraternité formulée par la Révolution française. Au nom de cet idéal, elle réclama l'abolition de l'esclavage, la justice sociale, l'éducation nationale, une forme de protection maternelle et infantile, l'égalité civile et politique des hommes et des femmes. Dans sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, elle le dit sans ambages : « La femme a le droit de monter sur l'échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune. » Le tribunal lui reprocha d'oublier « les vertus qui conviennent à son sexe » et de « s'être faite homme » dans des termes qui rappellent l'accusation portée contre Jeanne d'Arc et ses vêtements masculins. La longue marche des femmes vers l'égalité réelle, encore inachevée aujourd'hui, doit beaucoup au courage des pionnières de cette trempe.

Nicolas Sarkozy vote Georges Mandel

Candidat de l'Union pour un mouvement populaire UMP.

Georges Mandel, sans aucun doute 1885-1944. Ce politique passionné, devenu martyr par conviction, incarne pour moi la tradition républicaine et le refus de l'injustice. Journaliste de talent, il devient très jeune un proche collaborateur de Clemenceau. Fortifié par ses échecs électoraux, il est dans les années 1930 un ministre décidé, sachant trancher et réformer. Mais c'est surtout sa lutte héroïque contre l'extrémisme qui force le respect : convaincu dès 1933 du danger représenté par le nazisme, celui que Winston Churchill a dépeint comme « l'énergie et le défi personnifié » n'eut de cesse d'appeler à la vigilance et de préparer la France à l'affrontement. Ministre de l'Intérieur en juin 1940, il eut le courage de refuser la capitulation et de plaider pour la résistance. Lâchement abattu par des miliciens près de Fontainebleau le 7 juillet 1944, après avoir passé quatre années en détention ou en résidence surveillée, il devient le symbole de cette France généreuse et visionnaire que j'aime tant. Son courage, sa lucidité et sa détermination exceptionnelle ont profondément marqué ma vision de la politique.

Philippe de Villiers vote Alexandre Soljenitsyne

Candidat du Mouvement pour la France MPF.

Je choisis Alexandre Soljenitsyne parce que c'est le plus grand dissident du XXe siècle. Il est le symbole de toutes les résistances humaines et politiques à toutes les oppressions. Il rassemble dans le même homme, ce qui est rare, le courage physique du bûcheron qui ne cède pas et qui ne tombe pas, et le courage intellectuel de l'écrivain historien qui excelle dans la fresque et l'émotion. Il a contribué à faire basculer l'une des deux grandes dictatures du XXe siècle. C'est un visionnaire. J'ai le grand honneur d'être l'un de ses amis depuis 1993. J'ai eu de longues conversations avec lui sur le courage politique.

Dominique Voynet vote Nelson Mandela

Candidate des Verts.

Le personnage historique qui m'inspire le plus aujourd'hui est Nelson Mandela, et ce, pour plusieurs raisons. Né en 1918 au sein d'une lignée royale, Nelson Mandela aurait pu aisément choisir une autre destinée et un autre combat que celui qu'il a mené. Il a choisi de se battre contre la domination blanche sous le régime de l'apartheid et de promouvoir une société multiraciale dans un pays [l'Afrique du Sud, Ndlr], violemment divisé par le racisme. Nelson Mandela s'est distingué par le choix des « armes », la non-violence. Il a réussi à réconcilier un pays déchiré pendant des décennies. Aujourd'hui, Nelson Mandela reste un personnage politique incontournable. Avec force et conviction, il continue à mener les combats qui touchent son pays de plein fouet, levant le tabou qui entoure le Sida, combattant inlassablement pour les droits des femmes !

 

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