15 juillet 1949 : dans un monastère romain décède un homme dénommé Alfredo Reinhardt. En réalité il s’agit d’Otto von Wächter, membre du parti nazi depuis 1923, ancien adjoint de Hans Frank, gouverneur général de la Pologne occupée pendant la Seconde Guerre mondiale. Frank a payé de sa vie au procès de Nuremberg, mais Wächter a pu s’échapper jusqu’en Italie, protégé par la mystérieuse mais efficace « filière des rats », et par des dignitaires du Vatican.

Après son retentissant Retour à Lemberg (paru en 2017, 30000 exemplaires vendus en France), Philippe Sands a mené une enquête sur cet homme responsable de la mort de centaines de milliers d’êtres humains. Il a recueilli de nombreux témoignages à travers l’Europe et, surtout, a exhumé des archives familiales des milliers de documents stupéfiants : correspondances, documents officiels, photographies, journal intime de la veuve de Wächter, décédée en 1985. Elle a toujours vécu dans le déni, comme son fils Horst, l’autre « héros » de ce livre. Il ouvre toutes ses archives à l’auteur, qui le confronte à la réalité des faits, mais il nie, convaincu de l’innocence de son père. Son aveuglement est hallucinant. Sands nous livre aussi un ouvrage sur une famille confrontée au Mal.

Il n’y a pas que cela, bien sûr, et cet essai est aussi une enquête rigoureuse sur la Seconde Guerre mondiale, au prisme d’un homme, et sur ses lendemains, avec de nombreux développements sur le rôle du Vatican dans l’exfiltration de nombreux nazis. Sands sait nous tenir en haleine, et ce livre se lit comme un polar de la meilleure facture, servi par une belle écriture.

Denis Lefebvre