Non, Charlemagne n’a pas inventé l’école – elle existait avant lui dès la période gallo-romaine et il l’a fait renaître - , Jules Ferry ne l’a pas rendue obligatoire mais a fait de l’instruction, nuance, une obligation, les hussards noirs de la IIIe République ne sont pas les instituteurs mais les normaliens de l’époque et les vacances scolaires n’ont pas été liées aux travaux des champs.
Dans cette intéressante étude, nourrie d’exemples concrets et très agréable à lire, Claude Lelièvre tord le cou à plusieurs idées reçues, aide à remettre dans leur contexte historique un certain nombre de débats actuels autour de l’éducation et nous convie à une visite de l’histoire de l’école républicaine, toujours en rivalité plus ou moins affichée avec son homologue catholique, surprenante à plus d’un titre.

Vous apprendrez ainsi que l’antienne « apprendre à apprendre » n’est pas une nouveauté pédagogique mais s’est imposée naturellement dès la fin du XIXe siècle dans l’école républicaine, que la « longue marche » vers l’école unique dans l’entre-deux-guerres, assortie d’une sélection par le mérite scolaire a été violemment critiquée par la droite conservatrice mais aussi par les courants d’extrême-gauche…  et que la fraude à l’examen du baccalauréat est prise en compte dès 1837 sous Louis-Philippe par le ministère de l'Instruction publique !
Quant aux stéréotypes sexistes, ils pullulent aussi bien dans le programme de l’enseignement délivré aux filles, différent de celui des garçons, dans la teneur des manuels scolaires, que dans la noire et austère tenue, très collet monté, inspirée de l’habit des religieuses, imposée aux institutrices, lesquelles sont implicitement vouées au célibat, par dévotion à leur vocation d’enseignante. En résumé, cette édifiante histoire de l’école reflète l’état et l’évolution de la société française des deux derniers siècles.  

Véronique Dumas

L’école d’aujourd’hui à la lumière de l’Histoire de Claude Lelièvre (Odile Jacob, 308 p., 22, 90 €)