HOLLYWOOD DANS LE ROUGE

Ce film fait honneur aux États-Unis. L'histoire, qui se déroule de 1949 à 1970, plonge le spectateur dans cette période où, obsédées par la guerre froide, les élites culturelles et politiques ont cédé à la chasse aux sorcières. L'atmosphère est sobrement reconstituée : les décors sont, sans ostentation, remarquablement crédibles. On évite la muséographie un peu kitsch qui, souvent, sature l'ambiance des films d'époque de clichés vintage.

Montrer que les communistes aux États-Unis n'étaient pas des diables, surtout en cette période où le Tea Party et un populisme nauséabond y renvoient dans la bestialité Mexicains et Noirs, le pari était risqué : à partir du roman biographique de Bruce Cook, Jay Roach l'a tenu avec maestria. Entre 1949 et 1952, la traque anticommuniste orchestrée par le sénateur McCarthy a frappé de plein fouet l'univers pailleté de Hollywood comme tout le pays. Les dénonciations ont envoyé en prison, ruiné, épuisé, acculé au suicide des milliers d'innocents. Dalton Trumbo (joué par Bryan Cranston), alors scénariste à succès, fait partie de ses victimes. Le film montre comment il est traîné dans la boue de l'infamie, en particulier par une presse vénéneuse, ici incarnée par l'épatante Helen Mirren. Des figures emblématiques de « l'usine à rêves », comme John Wayne (David James Elliott), ont participé à la curée. Le passage en prison comme l'engagement de la fille de Dalton Trumbo, Niki (Elle Fanning), confrontent le spectateur à l'émergence de la lutte pour les droits civiques des Noirs, avec toutes ses ambiguïtés : humaniste incontestable, Dalton Trumbo n'échappe pourtant pas aux préjugés raciaux.

Dans son engagement, l'auteur perd jusqu'à son identité, même sorti de prison : la « liste noire » le prive de toute possibilité d'écrire sous son nom. La réhabilitation passe par le cinéma de série B, représenté par les frères King : leur seule préoccupation est de trouver un scénariste capable de satisfaire leur public, auquel ils fournissent, par dizaines, des films oubliables. Trumbo est un professionnel : il produit donc des scénarios, sous couvert d'anonymat, par dizaines. Oscarisé sous pseudonyme, il est à la fin des années 1950 enfin reconnu grâce au courage d'Otto Preminger et de Kirk Douglas, qui inscrivent son nom au générique d' Exodus et de Spartacus . Les protagonistes, réels, de cette histoire vraie deviennent ainsi, chacun, l'incarnation d'une période sombre, complexe et infiniment riche de l'histoire des États-Unis.

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