
Arsène Lupin et Robin des bois au pays des anars

Ce livre est celui de deux vies, celle de l'auteur, qui y a consacré plus de quinze ans de recherches, et celle de Raoul Saccorotti, virtuose du fric-frac, génie de la dissimulation - son épouse ne découvre ses trafics que lors de sa fuite en 1938 - et grand maître de l'évasion (par les toits). Extraordinaire théoricien du cambriolage, il invente le concept d'« expropriation individuelle » : en ne visitant que les greniers et les caves, il s'empare de biens abandonnés, inutilisés, et restitue une partie de leur vente à plus pauvre que lui. Et en particulier aux immigrés italiens de Grenoble, où il fait figure de mari modèle et de gendre parfait dans la bonne bourgeoisie de l'entre-deux-guerres. Il s'est fait la main à Gênes et a connu la prison dès l'âge de 16 ans. À Grenoble, il associe, sous couvert de commerce d'antiquités, cambriolages - près de 400 - et militantisme politique secret. Socialiste puis anarchiste, il fournit des armes aux libertaires espagnols. Arrêté à Paris et extradé en Italie, le voici après-guerre à Milan, au bras d'une princesse géorgienne, à l'image, trente ans plus tôt, d'un certain Arsène Lupin ! Une vie, mais en réalité mille, au gré de ses métamorphoses et de sa formidable capacité à rebondir de toit en toit.
L'Arsène Lupin des galetas. La vie fantastique de Raoul Saccorotti, cambrioleur anar en gants blancs, de Phil Casoar (Éditions du Cerf, 583 p., 25 euros).