
Vice-présidents. Une fonction ingrate
Une fois n’est pas coutume, les élections américaines mettent en lumière la fonction, assez ingrate, de colistier. Quelques vice-présidents sont malgré tout restés dans les mémoires...
Visuel : trois vice-présidents célèbres. Harry S. Truman en 1945, Richard M.Nixon de 1953 à 1961, Lyndon B Johnson de 1961 à 1963.
Les élections américaines approchent à grand pas – fixées au 3 novembre prochain – et pour une fois les colistiers des deux candidats sortent du bois. Il est vrai que dans le camp démocrate, Joe Biden compte beaucoup sur le ticket formé avec Kamala Harris pour convaincre les électeurs. L’intéressée, en cas de victoire, serait la première femme dans l’histoire nommée vice-présidente des Etats-Unis. Elle est d’ores et déjà la première femme noire colistière.
La vice-présidence ne vaut pas plus qu’une bassine de pisse chaude
D’où vient généralement que les colistiers soient tenus dans l’ombre ? John Nance Garner dépeint sans ambages la situation : La vice-présidence ne vaut pas plus qu’une bassine de pisse chaude, dit celui qui coexiste avec Franklin D. Roosevelt entre 1933 et 1941. Il est vrai qu’avant de devenir vice-président, Nance Garner s’est présenté à la primaire démocrate contre le même Roosevelt. La rivalité n’est pas éteinte. Pendant tout ce bail à la Maison Blanche, les deux hommes ne cesseront pas d’avoir des relations difficiles. Garner plaide en particulier pour un moindre interventionnisme de l’exécutif dans la vie du Congrès.
Pour Harry Truman, être vice-président, c’est aller aux mariages et aux obsèques
Harry Truman fut lui aussi vice-président de Franklin Roosevelt. Et de résumer ainsi l’éventail de ses missions : « Aller aux mariages et aux obsèques. » La sentence est à peine moins cinglante que celle de son prédécesseur. Effectivement, la tâche est peu enthousiasmante mais cette absence de poids politique est formalisée dans les textes : certes, il est prévu que le vice-président des Etats-Unis soit président du Sénat mais la constitution stipule également qu’il peut prendre aucune initiative vis-à-vis des sénateurs.
L’exception à la règle, John Adams
Comme le rappellent les spécialistes, la seule exception – qui confirme la règle – s’appelle John Adams, le colistier de George Washington. Premier vice-président des Etats-Unis (de 1789 à 1797) après avoir joué un rôle clé dans la révolution américaine, Adams se montre actif sur tous les plans. En 1797, il devient à son tour président et emménage en 1800 à la Maison Blanche, dont la construction vient d’être terminée. Au passage, rien ne prédispose forcément un vice-président à se porter ensuite candidat à la présidence : une personnalité qui reste durablement dans l’ombre voit souvent son image affadie auprès de l’opinion publique.
Après l’assassinat de JFK, Lyndon B. Jonson prête serment
Reste un cas, bien sûr, où le vice-président des Etats-Unis émerge soudain en pleine lumière : quand le président décède brutalement (ou qu’il est empêché), le numéro deux le remplace immédiatement à la tête du pays. Une photo a fait le tour du monde : le 22 novembre 1963, une heure et demie après l’assassinat de JFK à Dallas, Lyndon B. Jonson prête serment sur la Bible à bord d’Air Force One. En 1972, Gerald Ford succède à Richard Nixon, celui-ci ayant démissionné suite à l’affaire du Watergate. Parfois, les conditions d’un remplacement sont plus anecdotiques : en 1985, Ronald Reagan, qui doit subir une intervention chirurgicale, demande à George W. Bush (père) de prendre provisoirement les affaires en main.
Question : le fait que le vice-président reste ainsi en coulisses est-il voué à rester gravé dans le marbre ? Quand les relations sont bonnes avec le président, son second se voir parfois confier des missions stratégiques, plus ou moins informelles. Sous George W. Bush (fils), Dick Cheney a pris ainsi beaucoup d’épaisseur. Sorti en 2019, le film Vice de Adam McKay retrace cette ascension : une charge au vitriol mais qui témoigne aussi de la capacité de l’homme à tirer les ficelles. Vice-président, l’importance de la tâche dépend aussi de ce qu’on en fait.
Frédéric de Monicault