L'Europe puissante d'Altiero Spinelli

L’homme politique italien Altiero Spinelli (1907-1986) est l’un des pères de l’Union européenne. Hommage à l’homme qui a été à la source du projet de traité instituant une Union européenne fédérale présenté par le Parlement européen et connu sous le nom de "plan Spinelli", et que le président Macron a évoqué le 3 mars dernier lors de son intervention sur la RAI.

En s’adressant aux téléspectateurs italiens le dimanche 3 mars, Emmanuel Macron a évoqué la puissante figure d’Altiero Spinelli.  Un Italien.  Mieux : un Romain anticlérical dont le prénom, il en était très fier, plongeait ses racines dans un Latium pré chrétien. Un peu germain. Beaucoup latin. Il était l’un des onze  « pères de l’Europe ».  L’hommage de Macron fut trop furtif, trop allusif, mais bienvenu dès lors qu’on souhaite des deux côtés des Alpes et au-delà du Rhin voir l’Histoire de l’Europe remonter sur son cheval. S’affirmer comme Puissance face aux Empires états-uniens, chinois, ou russes, et non rissoler dans la fragmentation servile.

Altiero Spinelli, le grand oublié

Spinelli ? Un perdu de vue pour les jeunes générations qui ne voient plus depuis Jacques Delors l’Europe s’incarner dans aucune voix, aucune carrure, aucune transcendance. Comme si l’Europe c’était seulement des additions de PNB, des lignes budgétaires, des normes sur les fromages à pâte molle et des trouilles. Altiero Spinelli incarne tout au contraire  une Europe politique post nationale. Celle de la Résistance aux fascismes. Celle de l’utopie retrouvée des damnés de la Seconde Guerre mondiale.  Celle qui nait de la tragédie et pressent la prochaine. Altiero Spinelli qui s’engage contre Mussolini au Parti Communiste en 1924, est arrêté en 1927. Il a vingt ans et va passer dix ans dans les prisons du Duce. Puis encore six ans en « confinement » dans les iles de Ponza et de Ventotene. C’est à Ponza qu’il dit  à ses camarades communistes son opposition aux  procès de Moscou. Et qu’un « tribunal » improvisé l’expulse du  Parti Communiste !  Et c’est à Ventotene qu’il rédige en 1941 un manifeste fédéraliste. Le cœur de la doctrine du Mouvement Fédéraliste européen qu’il fonde en 1943 à sa libération et que rejoindront le Suisse Denis de Rougemont ou le français Henry Frenay.

Spinelli, l’anti-Jean Monnet

Militant, élu à Strasbourg ou Commissaire européen, il défend jusqu’à sa mort en 1986, une ligne à double battant : les Etats nationaux doivent céder de leurs privilèges à l’Europe mais celle-ci doit se doter d’une véritable constitution démocratique Spinelli, c’est l’anti-Jean Monnet. C’est tout le contraire de l’Europe technocratique qui avance introvertie et masquée. C’est l’Europe souveraine. Populaire. Multinationale. L’Europe hissée sur son cheval.
Guillaume Malaurie

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