Les prêts d’œuvres d’art sont des exercices de haut vol

L’exposition Leonard de Vinci a requis l’acheminement de plusieurs toiles. La mission est de plus en plus difficile.

Visuels : Léonard de Vinci, Portrait d’une dame de la cour de Milan, dit à tort La Belle Ferronnière © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado ; Léonard de Vinci, Portrait d’Isabelle d’Este © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado ; Léonard de Vinci, Vierge à l’Enfant, dite Madone Benois © The State Hermitage Museum, St Petersburg

Ce n’est pas un succès, c’est un triomphe : l’exposition Leonard de Vinci qui se tient jusqu’à la fin du mois de février au musée du Louvre draine les foules : au point que l’entrée n’est accessible que sur réservation. Cette magnifique rétrospective a nécessité un travail de titan. Il existe peu de toiles de Leonard et pour les faire venir du monde entier, les tractations ont été serrées. Sait-on par exemple que la justice italienne a dû se prononcer pour autoriser «L’homme de Vitruve» à franchir les Alpes ? Quant à la «Madone Benois» propriété de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, il a fallu attendre les derniers jours pour s’assurer de sa présence à Paris.

Depuis longtemps, le prêt des œuvres entre les musées et autres institutions artistiques est un parcours du combattant qui ressemble à un ballet diplomatique. Cela ne va pas en s’améliorant car il faut ajouter des contraintes économiques de plus en plus drastiques : convoyage ultra-sécurisé, inflation des primes d’assurance, prise en charge des restaurations… Souvent, les dossiers sont tellement délicats qu’ils requièrent un arbitrage en haut lieu. Par exemple, en 2014, l’Elysée finit par suivre le ministère de la Culture pour ne pas prêter La liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix à la Chine, au nom d’une trop grande fragilité de la toile. Initialement, la peinture avait été sélectionnée pour être le point d’orgue d’une grande exposition à Pékin autour du cinquantenaire de la reconnaissance de la République populaire par le général de Gaulle. La liberté n’a pas été choisie au hasard car il s’agit tout simplement de la toile française la plus présente dans les manuels scolaires chinois.

Depuis 1974, La Joconde n’a plus quitté l’enceinte du musée du Louvre

Les prêts de La Joconde sont tout aussi problématiques : après son vol au Louvre en 1911, le chef d’œuvre de Leonard est retrouvé deux ans plus tard à Florence, avant d’entamer un petit périple en Italie (exposé successivement à Florence, Rome et Milan), en qualité de remerciements. En 1962, André Malraux, alors ministre de la Culture, songe à prêter le tableau aux États-Unis, avec en toile de fond la volonté de réchauffer les relations entre les deux pays. Tollé immédiat de la direction du Louvre mais le ministre finit par avoir gain de cause. En 1963, La Joconde sera présentée à Washington – puis en 1974 au Japon, à l’initiative de Georges Pompidou. Depuis, elle n’a plus quitté l’enceinte du musée du Louvre.

Parmi les autres dossiers sensibles, il y aussi la tapisserie de Bayeux. Quand Teresa May était encore Premier ministre, Emmanuel Macron lui avait assuré que l’œuvre vieille de mille ans serait prêtée à la Grande-Bretagne. A la condition toutefois que «les exigences juridiques et les conditions scientifiques de restauration et de préservation soient respectées». Une formulation suffisamment floue pour entretenir l’incertitude. Effectivement, l’affaire traîne en longueur tandis que les experts arguent des dangers pour la tapisserie de franchir la Manche, eu égard aux difficultés à la plier.     

Frédéric de Monicault

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