Les lointains héritages des régimes de retraite

Le gouvernement travaille à une réforme en profondeur. Au fil des époques, le système s’est solidement cimenté. 

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Pédagogie et concertation, ce sont les deux maître-mots utilisés par le gouvernement d’Edouard Philippe au moment d’accélérer cet automne sur la réforme des retraites. Un dossier ultra-sensible car les pouvoirs publics ont affiché leur volonté d’abolir les fameux régimes spéciaux. Ces derniers concernent trois grandes entreprises en particulier, ultra-stratégiques pour le bon fonctionnement du pays : EDF (via la branche des industries électriques et gazières), la SNCF et la RATP. Mi-septembre, la journée de grève déclenchée dans le métro parisien - dont les agents partent en retraite en moyenne à 55 ans et 7 mois - est venue rappeler combien le dialogue social est vif et combien il sera difficile de faire bouger les lignes.

Trois régimes spéciaux nés avant la création du régime général de sécurité sociale

En termes de chronologie, les trois régimes précités viennent de loin, portés sur les fonts baptismaux avant la création du régime général de sécurité sociale. Celui-ci, effectif depuis 1945, avait déjà pour ambition de refondre l’ensemble du système. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on recense déjà plusieurs caisses de retraire et le régime général fraîchement créé doit finalement coexister avec les régimes spéciaux. Ces derniers ont émergé avec la Révolution industrielle : ainsi les racines des IEG – les industries électriques et gazières dont relèvent EDF et Engie (ex-GDF Suez) - renvoient à la Compagnie Parisienne du Gaz – ou Compagnie parisienne d’éclairage et de chauffage par le gaz -, fondée en 1855 après le regroupement de plusieurs compagnies. Cet acteur de poids – qui dispose d’une concession de 50 ans, jusqu’en 1905 avec la Ville de Paris – développe son propre régime de retraite : les fonds nécessaires sont apportés par une retenue de 2% sur les salaires et par une contribution des bénéfices de l’entreprise. La liquidation de la Compagnie parisienne en 1905 ne change rien : les bases d’un système sont jetées et consolidées en 1941 avec la création d’une Caisse de prévoyance des industries de l’énergie électrique et du gaz.

Le régime par répartition dit « spécial » des cheminots date de 1909

Dans le transport aussi, tout remonte au milieu du XIXème siècle : les différentes compagnies – Compagnie du Nord, Compagnie de l’Ouest, Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée (PLM)… - ont leur propre caisse avant l’instauration d’un régime par répartition pour l’ensemble des cheminots en 1909 : dans le cadre de la loi, les conducteurs de locomotive peuvent partir en retraite à 50 ans, 60 ans pour les personnels administratifs et 55 ans pour les autres agents. La SNCF, créée en 1937 après la fusion des cinq grandes compagnies existantes, conserve le système mis en place.
La RATP surfe sur cette même vague : créée en 1948, elle reprend le régime qui était celui de la Compagnie du Métropolitain de Paris, lui-même calqué sur celui de la fonction publique. C’est bien cette succession d’héritages qui rend les réformes si difficiles à mettre en œuvre.

Frédéric de Monicault

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