
Les Justes et le photographe
Ce lundi, le panthéon de Yad Vashem compte deux nouveaux Justes français : le couple Morin, qui a sauvé le jeune Henri Dauman, futur grand photographe de presse.
C’est à Montmartre qu’Henri Dauman voit le jour le 7 avril 1933, fruit de l’union entre Isaja et Channa Dauman. Émigrés polonais ayant fui leur pays à la veille de la Première Guerre mondiale, ils vivent avec leur fils à Paris jusqu’à la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne nazie en 1939.
Isaja Dauman s’engage alors dans un corps d’armée de volontaires étrangers, et sera rapatrié chez lui après la défaite. Malheureusement, il ne revient chez lui que pour mieux repartir, convoqué par le régime de Vichy et arrêté le 14 mai 1941. Il est exécuté par les nazis à Auschwitz un an et demi plus tard.
Le jeune Henri Dauman échappe ensuite avec sa mère à la rafle du Vél’d’Hiv, et tous deux s’enfuient à Limay, dans les Yvelines, où Henri sera caché chez Julienne et Aurélien Morin.
Cependant, l’ombre nazie devenant de plus en plus omniprésente, le jeune homme est obligé de se réfugier à Alençon, en Normandie, d’où il assistera au débarquement allié en juin 1944. Il retrouvera sa mère à la fin de la guerre, avec qui il réemménagera dans leur appartement montmartrois. Mais ce bonheur n’est que de courte durée, car Henri devient orphelin quelques mois plus tard, à l’âge de 13 ans, sa mère ayant été victime d’un pharmacien empoisonnant ses patients à l’aide de médicaments frelatés.
De Montmartre à New York
Il fait par la suite l’apprentissage de la photographie lors de ses séjours dans les orphelinats et les maisons d’enfance, puis émigre à New York en 1950, où il effectuera des portraits de célébrités pour Radio Luxembourg, le New York Times, Life, Paris Match et Epoca.
Avec ces premiers clichés commence son impressionnante carrière qui sera composée de reportages, photographies de personnalités et événements phares de l’histoire américaine (il photographia notamment les funérailles de Kennedy).
Les plus grandes stars passeront devant son objectif, telle Marilyn Monroe, et chaque nouvelle icône du cinéma ou de la presse se devra par la suite, pour le bien de sa carrière, de faire un détour par le studio d’Henri Dauman. Ses clichés sont également révélateurs de la société américaine, comme ceux qui montrent la misère du Bronx.
Il y a huit ans, Henri revient en France dans le cadre d’un documentaire autobiographique et souhaite voir la maison des Morin dans laquelle il a vécu son enfance. C’est à partir de ce moment-là que la procédure pour nommer les Morin « Justes parmi les Nations » par l’État d’Israël débute, et a donc abouti cette semaine. Ce couple aura forgé sans le savoir l’un des plus importants photographes du XXe siècle.
Henri Dauman a renoué avec son passé français, en lançant sa première exposition en France en 2014. Vendredi s’est achevée une exposition à Levallois qui retraçait sa vie.
L’exposition virtuelle est disponible sur le site de la collection de photographies de Dauman (www.manhattan-darkroom.com).
Pour en savoir plus sur Henri Dauman, un documentaire, Looking Up, réalisé par Peter Kenneth Jones, est également disponible.
Xavier Donzelli et Clément Alix, stagiaire de troisième dans un collège des Yvelines