Les faux-monnayeurs sont passés au numérique

L’Office central pour la répression du faux-monnayage fête ses 90 ans. Mais cette criminalité est presque aussi ancienne que la monnaie elle-même. 

Visuel : Ceslaw Bojarski devant sa presse à billets ©DR

C’est un anniversaire qui est passé un peu inaperçu mais cela n’ôte rien à l’importance de l’institution en question : cet automne, l’Office central pour la répression du faux-monnayage (OCRFM) a franchi le cap des 90 ans. Le siècle n’est plus très loin pour le premier office central créé au sein de la direction centrale de la police judiciaire, en 1929. Sur le site Internet du ministère de l’Intérieur, ses missions sont bien balisées : l’office spécialisé « centralise les renseignements pouvant faciliter les recherches, la prévention et la régression du faux-monnayage». Dans ce cadre, il « assure la coordination opérationnelle des actions menées sur l’ensemble du territoire par les services de la police judiciaire et de la police nationale ». Le dispositif se veut d’autant plus étoffé que cette criminalité s’est mise à l’heure des nouvelles technologies, devenant ainsi encore plus difficile à traquer. Finie l’ère des orfèvres de l’imprimerie à la vocation dévoyée, place aux pirates de l’informatique qui parviennent à tromper leur monde avec, parfois, une grande économie de moyens.

Le faux-monnayage, une activité très ancienne

Cela ne surprendra personne mais le faux-monnayage est une activité très ancienne. Au XVème siècle, elle est déjà solidement installée comme en témoignent l’avalanche de témoignages sur les supplices infligés aux faux-monnayeurs. Il est vrai que le droit de battre monnaie est un privilège royal, avec de nombreux souverains qui usent de ce droit pour augmenter leurs recettes. Il faut attendre Nicolas Oresme, conseiller de Charles V, pour que la monnaie soit davantage présentée comme un bien commun plutôt qu’un levier au service du souverain – avec les désagréments induits pour la population. 

Au début du XVIIIème siècle, quand l’utilisation des billets se répand en France – sous l’impulsion du financier écossais John Law qui crée une banque pour émettre du papier monnaie garanti sur de l’or et de l’argent -, la contrefaçon s’accélère : les billets circulent plus facilement que les pièces, soit une augmentation des flux dont entendent profiter les faussaires. Il reste que les pièces sont travesties dès l’Antiquité : les historiens rappellent que les plus anciennes monnaies en Occident – à la fin du VIIème siècle avant J.-C. en Asie mineure – sont aussitôt contrefaites avec des métaux moins nobles. Tout le monde connaît l’histoire de Diogène (413-327 avant J.-C.) dans son tonneau mais sait-on que le philosophe célèbre pour haranguer la foule a dû quitter sa ville de Sinope (au bord de la mer Noire) car lui et son père étaient accusés de fabriquer de la fausse-monnaie. Un père qui exerçait la fonction de banquier. Cela ne s’invente pas.     

Ceslaw Bojarski, le «Cézanne de  la fausse monnaie»

Comme tous les autres domaines, le faux-monnayage a ses figures tutélaires. Ceslaw Bojarski, surnommé le «Cézanne de  la fausse monnaie», en est une. Cet ancien officier polonais, emprisonné en Hongrie, se réfugie en France après la Seconde guerre mondiale. A partir de 1950 et jusqu’au milieu des années 1960, il va écouler des sommes énormes à partir de son modeste «atelier» de Montgeron en Seine-et-Oise. Son talent de faussaire associé à une prudence de tous les instants lui permet de mettre longtemps en échec les enquêteurs. Mais quand il se décide à mettre plusieurs personnes dans la boucle, il se fait piéger. Condamné à vingt ans de prison, il effectue les deux-tiers de sa peine avant d’être enrôlé par la Banque de France en qualité d’expert. C’est ce qu’on appelle un revirement de situation.

Frédéric de Monicault

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