
Les Compagnons reviennent au goût du jour
La reconstruction de Notre-Dame éclaire un savoir-faire multi-centenaire.
Visuel : les Compagnons resserrent leurs liens après la Grande Guerre © Musée du Compagnonnage
Ils sont de retour. Qui ? Les Compagnons. Alors que les plans s’échafaudent en vue de la reconstruction de Notre-Dame de Paris, cette catégorie d’excellence d’ouvriers et d’artisans fait son retour dans l’actualité. Aussi bien la Fédération compagnonnique du Bâtiment que les Compagnons du Devoir sont sollicités pour faire part de leurs idées. Pourtant, cela fait bien longtemps que l’âge d’or des Compagnons est passé. A l’époque, nous sommes au milieu du 19e s. : les Compagnons s’imposent comme le symbole du travail bien fait, représentant à eux seuls une frange du monde ouvrier.
Ils sont les lointains héritiers des premières corporations du Moyen Age, à un moment où les « corps de métier » se divisent en trois grandes catégories : maître, compagnon et apprenti. Problème : seuls les fils de maître réussissent dans la réalité à devenir maître. Ce qui va conduire une certaine frange d’ouvriers à s’affranchir, des jeunes en particulier soucieux de s’entraider. Peu à peu, le compagnonnage va ainsi monter en puissance, même si les spécialistes rappellent que la dénomination attend le début du 18e s. pour s’enraciner.
Compagnonnage et franc-maçonnerie
Ce n’est pas pour rien qu’on rapproche parfois le compagnonnage de la franc-maçonnerie : on y trouve des rites, des passages et des légendes. Dans le cadre de leur formation, il y a le fameux Tour de France, une série d’étapes où se transmettent les tours de main et les expertises. Les Compagnons sont résolument laïcs. Au début du 19e s., ils ont fait du « devoir de liberté » leur modèle de vie.
Les Compagnons mis aujourd’hui à l’honneur par la reconstruction de Notre-Dame sont entrés au Patrimoine immatériel de l’Unesco en 2010. Cet éclairage intervient après que la fin du 19e s. les a mis à mal. L’essor de la révolution industrielle et de son modèle tayloriste s’accommode mal des pratiques compagnonnes plus artisanales. Dans les entreprises, ce sont alors les apprentis qui prennent le relais des Compagnons. Et puis, il y a aussi et surtout les syndicats qui s’approprient pour une part le modèle ouvrier.
Au début du 20e s., peu à peu pourtant, les Compagnons reviennent dans la lumière. Certes, ils occupent une niche, mais une niche synonyme de forte valeur ajoutée. Or, précisément, la reconstruction de Notre-Dame exige des spécialistes de haut-vol.
Frédéric de Monicault