Les compagnies pétrolières d'hier et d'aujourd'hui

Les « majors » de l’or noir accélèrent leur conversion vers les énergies renouvelables. Près d’un siècle après s’être partagé le monde.

Visuel Wikimedia Commons. Carte postale montrant une station service américaine Texaco période 1930-1945. The Tichnor Nrothers Collection, Boston Public Library, département des Imprimés.

Mine de rien, les géants de l’or noir sont en train de faire leur révolution. Pas tous certes, mais la plupart mettent les bouchées doubles, comme Total qui a multiplié les opérations dans le renouvelable (solaire, éolien, biomasse…) au cours des derniers mois. D’ici vingt ans, les énergies bas carbone devraient représenter entre 15 et 20% de ses activités, selon la feuille de route de la compagnie tricolore. Chez BP, ce sont quatre milliards de dollars qui sont désormais investis chaque année dans les énergies nouvelles.
L’après-pétrole n’est donc plus une simple hypothèse pour des industriels qui préparent l’avenir, celui d’un monde obligé de trouver des alternatives aux hydrocarbures. A cette échéance, la planète aura tourné un chapitre sans précédent de l’histoire industrielle. Souvenons-nous des origines : en 1859 à Titusville, le colonel Drake, un entrepreneur américain (son grade militaire est de pure forme), fore le premier puits : ce gisement pionnier situé en Pennsylvanie sera épuisé cinquante plus tard. Mais il ne fait pas la fortune de Drake, qui finira ses jours dans le dénuement : l’intéressé n’a pas fait breveter son système de forage. Mince consolation : les habitants de Titusville, qui savent ce qu’ils lui doivent, lui octroieront finalement une pension.

L’essor de la Texaco, ex-Texas Fuel Company

Dans l’intervalle, le Texas monte en puissance : au début du XXème siècle, la Texaco, ex-Texas Fuel Company, est la seule compagnie à commercialiser de l’essence aux Etats-Unis. Pour autant, elle ne pèse pas grand-chose par rapport à la Standard Oil Company, la société créée en 1870 par John Davison Rockefeller, à la tête bientôt d’un véritable empire. Un périmètre constitué, pêle-mêle, de dizaines de filiales, de réseaux d’oléoducs et d’infrastructures capables de raffiner plusieurs milliers de barils chaque jour. Au faîte de sa puissance, la fortune de Rockefeller dépassera les 200 milliards de dollars : depuis, personne n’a jamais fait mieux.
Mais trop c’est trop : à l’orée des années 1910, la Standard Oil contrôle plus de 90% du brut raffiné aux Etats-Unis. L’administration s’inquiète de ce monopole. Peu importe que la législation fixe des limites à l’expansion d’un homme d’affaires hors de son Etat d’origine : à cette époque, Rockefeller achète tout le monde. Le combat judiciaire qui s’engage avec les autorités dure sept ans : au printemps 1911, le géant est condamné à la dissolution puis fractionné en 34 sociétés :  naissent ainsi Exxon, Mobil, Chevron, Conoco ou Amoco, une galaxie qui, après une avalanche de fusions, rayonne toujours aujourd’hui. Le fleuron, ExxonMobil, domine le paysage pétrolier, avec un chiffre d’affaires de 265 milliards de dollars en 2019. Il ne faut pas croire que l’éparpillement des années 1910 chagrine les actionnaires : ceux-ci prennent des participations dans les différentes sociétés et prennent soin d’alignent les intérêts de chaque entité.

1928. Les grandes compagnies signent un pacte d’entente

En 1928, un pas supplémentaire est franchi dans l’alliance des grandes compagnies : le patron de la Royal Dutch Shell accueille dans son château d’Achnacarry, en Ecosse, ses six homologues de la Standard Oil of New Jersey, Texaco, Gulf, Chevron, Mobil et Persian Oil Company. Les sept passent un pacte, resté dans l’Histoire comme l’accord « des sept sœurs », via lequel elles se partagent peu ou prou les ressources de la planète. Jusqu’au milieu des années 1970, elles contrôleront ainsi plus de 80% des réserves mondiales de pétrole. La puissance du cartel permet de peser aussi bien sur les prix que les gouvernements.
En 1951, le Premier ministre iranien Mohammad Mossadegh est le premier à s’opposer vigoureusement à la mainmise des multinationales : tour à tour, il rejette les propositions commerciales de l’Anglo-Iranian Oil Company, expulse les équipes britanniques de son pays et rompt les relations diplomatiques avec Londres. Deux ans plus tard, Mossadegh est démis de ses fonctions sous la pression des services secrets occidentaux. Dans l’intervalle, il a fait vaciller le pouvoir du shah, inféodé à Washington. Sept ans plus tard, la conférence de Bagdad débouche sur la création de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) : articulé autour de l’Arabie saoudite, l’Iral, le Koweït et le Venezuela, sans oublier l’Iran, ce nouveau cartel veut placer les compagnies nationales au centre du jeu. Mission réussie : à partir des années 1970, émaillées par deux chocs pétroliers (avec une envolée des prix), l’Opep dicte souvent sa loi. Cinquante ans plus tard, les pays producteurs assoient toujours leur économie sur le pétrole mais commencent eux aussi à préparer un monde sans fossile.
Frédéric de Monicault

Newsletter subscription form block

Inscrivez-vous à notre newsletter