Le dur métier de premier flic de France

La crise des «gilets jaunes» vient rappeler combien il est difficile d’occuper le fauteuil de ministre de l’Intérieur. De Clemenceau à Castaner, voici un bref rappel de quelques grandes figures ayant occupé ce poste à hauts risques.
Et pour en savoir plus, voir le numéro d'Historia Spécial n° 35 sur Les super flics de France.

 

Christophe Castaner est sous surveillance. Depuis que la manifestation des «gilets jaunes» a dégénéré à Paris le 16 mars, le ministre de l’Intérieur sait qu’il n’a plus le droit à l’erreur. Plusieurs cadres de la police ont été limogés, en vertu de la pratique des «fusibles» mais la liste des responsables des désordres publics n’est pas extensible à l’infini. En attendant, Christophe Castaner expérimente la dure mission de «premier flic de France». 

A qui doit-on attribuer cette expression ? Le mot est-il de Clémenceau, comme on l’entend souvent, ou sont-ce les observateurs de l’époque qui ont créé cette terminologie. Une chose est sûre : cette histoire de «premier flic de France» s’enracine sous la IIIème République, pendant la période 1906-1909, date à laquelle Georges Clémenceau prend la présidence du Conseil pour l’une des plus longues mandatures d’un régime par définition instable. A cette époque, l’intéressé subit l’ire des viticulteurs du Midi, en proie à une crise de surproduction sans précédent qui provoque l’effondrement des prix. Des émeutes ont lieu au printemps 1907, qui conduisent Clémenceau à dépêcher la troupe. Celle-ci tire sur la foule : la réputation d’inflexibilité du dirigeant est alors gravée dans le marbre. 

Jules Moch, un socialiste nommé à l’Intérieur en 1947

Depuis cet épisode, le moindre ministre de l’Intérieur faisant preuve d’un peu de fermeté est aussitôt renvoyé à son statut de premier flic de France. C’est le cas du socialiste Jules Moch, ministre des travaux publics et des transports en 1945 avant d’occuper l’Intérieur en 1947. Un an plus tard, des grèves sérieuses touchent le bassin minier du nord du pays. Là encore, Moch utilise la force pour éteindre l’incendie : l’intéressé est convaincu que la CGT est un relais du Komintern et le parti communiste un outil au service de l’Union soviétique. Dans ces conditions, briser la grève, c’est repousser une puissance ennemie.

François Mitterrand, jeune ministre de l’Intérieur de 37 ans

Sept ans après Jules Moch, le locataire de la place Beauvau est beaucoup plus jeune mais pas moins déterminé : nommé à 37 ans au sein du gouvernement Mendès-France, François Mitterrand a la tâche délicate de s’occuper de la situation en Algérie. Dans un premier temps, il semble ouvert au dialogue mais après les attentats dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, sa position est sans ambages : «L’Algérie, c’est la France.» Bien plus tard, le premier président socialiste de la Vème République confiera avoir mal appréhendé la question algérienne qui, selon lui, ne pouvait se régler que par l’indépendance et non par une solution politique concertée.   

Charles Pasqua, deux fois ministre de l’Intérieur

Le même François Mitterrand, en 1986, s’oppose fermement à la nomination de Charles Pasqua à l’Intérieur. Mais le nouveau Premier ministre Jacques Chirac, dans le cadre d’un gouvernement de cohabitation, tient bon et l’un de ses plus fidèles compagnons devient ministre. Charles Pasqua fera un second passage place Beauvau entre 1993 et 1995. L’un de ses mots d’ordre est resté célèbre : «Terroriser les terroristes.» 

Frédéric de Monicault

Visuel : le préfet de Police Louis Lépine et le ministre de l'Intérieur Georges Clemenceau en 1908 ©Agence ROL - Domaine public

Et pour en savoir plus, voir le numéro d'Historia Spécial n° 35 sur Les super flics de France.

 

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