
La ruée vers l’or
Les cours du métal précieux sont au plus haut. Une fois de plus, quand l’inquiétude gagne, l’or est un rempart.
Visuel : Or natif en cristaux lammellaires. 29X22X2 cm. 2 kg. Mine de Jamestown, Comté de Tuolumne, Californie, USA. Conservé à la Galerie de Minéralogie et de Géologie, Paris. Wikimedia. Auteur Urban
L’or s’envole et ce n’est pas une vue de l’esprit. A la mi-janvier, l’once de métal jaune a franchi la barre des 1 600 dollars. Cela fait près de sept ans qu’elle n’avait pas atteint ce pic. Si on se projette quelque mois en arrière, l’or a enregistré un bond de 25%. Bref, le métal précieux devient une valeur refuge, un rôle qu’il endosse systématiquement quand l’agitation gagne les populations. Cette fois, c’est l’antagonisme entre l’Iran et les États-Unis qui cristallise les tensions, avec en toile de fond la gestion de l’approvisionnement pétrolier de la planète. Et puis il y a aussi l’urgence écologique : les méga-feux en Australie montrent à quel point les écosystèmes sont en danger. Plus personne ne se sent à l’abri des dégradations de l’environnement.
L’or, valeur refuge depuis quand ?
Depuis quand l’or s’est-il imposé comme un rempart ? Avant toute chose, et c’est presque un contre-exemple, il faut observer que le métal jaune n’a jamais été l’abri des turbulences : les cours connaissent aussi bien des accélérations brutales que des spirales baissières. Mais l’or est d’abord et avant tout considéré comme une réserve de valeur universelle, avec des stocks étroitement contrôlés. Avec l’or, pas question en particulier de faire jouer la planche à billets.
Au cours de l’histoire récente, parmi les décisions fondatrices, il y a celle du président américain Richard Nixon de renoncer en août 1971 à indexer le dollar sur l’or. A partir de cette date, l’étalon or est mis sur stop et la dollarisation de l’économie franchit un cap supplémentaire. En 1944, les accords de Bretton Woods scellent déjà le choix du billet vert comme monnaie de référence à travers le monde. Mais dans l’intervalle, la situation économique change : au début, les dollars sortaient peu du territoire américain jusqu’au jour où les États-Unis commencent à investir massivement à l’étranger. Avec l’afflux des devises, la conversion entre l’or et la monnaie américaine ne peut plus se faire aussi facilement.
La décennie 1970 témoigne encore plus des poussées de fièvre du métal précieux. Après que le prix de l’once a été fixé à 35 dollars en 1971, il va vite grimper. A l’orée de 1980, il est juste sous la barre des 800 dollars. Le monde est inquiet, entre la flambée du baril, l’entrée des troupes russes en Afghanistan et la révolution en Iran.
De la spéculation autour de l’or dès l’Antiquité
Autant dire qu’il y a matière à spéculer mais ce réflexe existe depuis toujours. Sous l’Égypte ancienne et la Mésopotamie, vers 600 avant J.-C., quand l’or commence à être frappé sous forme de monnaie, on a trouvé une bonne solution pour suivre les évolutions de sa valeur : les pièces augmentent – ou diminuent – de taille. Au Moyen Age, l’or est symbole de rayonnement : les historiens rappellent volontiers que Florence est la première ville en Europe à frapper sa propre monnaie. Le florin et ses 3,5 grammes d’or sont à l’origine d’un véritable système économique : enfin les marchands disposent d’un moyen pour doper les échanges internationaux. De même que les souveraines et leurs seigneurs pour se doter d’une armée.
Plus tard, l’or acquiert quasiment un statut mythique. Le mot de Christophe Colomb est souvent mis en exergue : «Avec l’or, celui qui en possède fait tout ce qu’il veut en ce monde et parvient à envoyer des âmes au paradis.» Au cours de la première moitié du XVIème siècle, les conquistadores succombent à la fièvre de l’eldorado. Dans un premier temps, Incas et Aztèques sont sommés d’acquitter un impôt en poudre d’or. Le climat se veut encore pacifique mais il ne durera pas longtemps : les Espagnols étant prêts à bien des massacres pour mettre la main sur des mines soit disant géantes. Quant au fameux temple du soleil à Cuzco, dont toutes les parois étaient richement décorées, il sera dépouillé puis fondu après une campagne de Francisco Pizarro.
Frédéric de Monicault