
A la recherche des bistrots perdus
Un appel à projets est lancé pour freiner la vague de fermeture des cafés en France. En un siècle, leur nombre a été divisé par dix.
Visuel : Jean Béraud, Au bistrot, huile sur toile, coll. particulière ©Wikimedia Commons.
Pour créer du lien social, les cafés sont souvent cités en exemple. Problème : il en existe de moins en moins, surtout dans les zones rurales où plus de 25 000 communes ont perdu leur bistrot au cours des dernières années. Le groupe d’économie sociale et solidaire SOS a décidé de s’attaquer au dossier : il vient de lancer un appel à projets auprès de 32 000 villages comptant moins de 3 500 habitants. Avec pour objectif d’impulser les mesures permettant la création ou la reprise d’un café.
Même si les chiffres sont toujours soumis à variations, on se rapproche dangereusement de la barre des 30 000 bistrots en France – c’est-à-dire le nombre des débits de boissons pour la seule ville de Paris à l’orée de la Première guerre mondiale. Au début du XXème siècle, plus d’un demi-millions de bistrots parsemaient encore l’Hexagone, puis 200 000 environ vers 1960 et moitié moins en 1970.
«bystro ! bystro !»
D’où vient l’étymologie du mot «bistrot» ? L’histoire est bien connue même si les linguistes restent un brin circonspects : ce sont les soldats du tsar Alexandre Ier qui, pendant l’occupation de Paris après Waterloo, alpaguent le tenancier d’un sonore «bystro, bystro» (ce qui signifie en russe «vite, vite») pour descendre aussi sec un alcool souvent roboratif. S’ils boivent aussi vite, c’est que les intéressés ont peur de se faire surprendre – et tancer – par un officier.
Au début du XIXème siècle, quand les estaminets commencent à s’implanter, seules des boissons y sont servies : le plus souvent du vin et des alcools de mauvaise qualité, qui entretiennent la mauvaise réputation des lieux – illustrée avec talent par un Zola. C’est seulement un plus tard que les bistrots étoffent leur carte avec des charcuteries et du fromage : cette innovation est largement due aux Auvergnats de Paris, dont de nombreux représentants deviennent bistrotiers et entendent écouler les produits locaux.
Le Procope, le plus vieux café-restaurant de Paris
Mais il serait trop réducteur de limiter le rôle de ces établissements à la possibilité de se retrouver, de «boire un coup» et/ou de se restaurer. Les échanges intellectuels aussi font partie de la panoplie des cafés : dès le XVIIIème siècle, ils servent même de cadre à des réunions politique. Sous la Révolution, Montagnards, Girondins ou Royalistes y débattent avec passion. Au Procope, fondé en 1686 et qui se revendique comme plus vieux café-restaurant de Paris, des personnalités illustrent viennent s’attabler : Diderot y aurait élaboré quelques articles de l’Encyclopédie alors que George Washington aurait jeté les bases de la future Constitution des Etats-Unis.
Dis-moi le café où tu vas, je te dirais qui tu es : aujourd’hui, la variété des cafés épouse tous les types de tempéraments. Il y a des bistrots feutrés, il y en a d’autres beaucoup plus bruyants, qui n’ont rien à envier aux anciennes tavernes gallo-romaines (du latin taverniculae, «petites boutiques»), très populaires ensuite au Moyen Age.
Frédéric de Monicault