La folie des expositions
Une série de grands artistes sont présentés cet automne à Paris. Depuis quand les visiteurs se pressent-ils en masse ?
Visuel : Wikimedias Commons. Le Palais de l’Industrie et des Beaux-Arts où se tient en 1863, à l’initiative de Napoléon III, le Salon des Refusés. Édifié pour l’exposition universelle de 1855 avenue des Champs-Élysées, il sera détruit à partir de 1896 et sera remplacé par le Petit et le Grand Palais. Photographie d’Edouard Baldus (1813-1889)
Pour les grandes expositions, c’est une rentrée en fanfare. Jugez plutôt : cet automne, les visiteurs auront le choix, entre autres, entre Léonard de Vinci au Louvre, Degas au musée d’Orsay, Toulouse-Lautrec au Grand Palais ou encore Francis Bacon au Centre Pompidou. Bref, les affluences devraient s’envoler. Précisément, un nouveau record vient de tomber : l’exposition Toutankhâmon à la Villette a franchi le cap des 1,3 million de tickets, ce qui la hisse sur la première marche du podium toutes catégories confondues. Elle se termine le 22 septembre avant d’être présentée à Londres à partir du mois de novembre.
Avant Toutankhâmon, le précédent record remontait à 1967 et appartenait à… Toutankhâmon (au Petit Palais) avec 1,240 million de visiteurs. Suit la Collection Chtchoukine à la Fondation Louis Vuitton avec 1,205 million d’entrées en 2017. Signe de l’engouement qui ne se dément pas pour l’égyptologie, Ramsès Le Grand avait atteint un million en 201-. Dans le peloton de tête, on trouve aussi, pêle-mêle, Monet, Dali, Renoir, Picasso et Hopper.
Les expositions parisiennes ont le vent en poupe dès le XVIIIe siècle
Aujourd’hui, la fréquentation intense des expositions parisiennes semble entrée dans les mœurs. On doit évidemment s’en réjouir mais constater aussi qu’il s’agit d’une lente ascension. D’un point de vue chronologique, il faut remonter deux siècles et demi en arrière pour mesurer les premiers engouements du public. En 1648, la création de l’Académie royale de peinture et de sculpture – qui pilote l’Ecole des Beaux-Arts – s’accompagne d’expositions plus ou moins régulières. Pour intégrer l’Académie, les impétrants doivent soumettre un «morceau de réception» qui permettra de les juger. A partir de 1725, les artistes membres du cercle prennent peu à peu leurs quartiers au Salon carré du Louvre. Il s’agit là d’un art officiel, au sens où sont récompensés les créateurs qui respectent les canons de leur époque. Le public suit de plus en plus avec quelques dizaines de milliers de visiteurs lors de chaque exposition.
Du Salon officiel au Salon des Refusés
Au cours de la deuxième moitié du XIXème siècle, la prééminence du Salon (sous l’égide de l’Académie) reste forte mais le processus de sélection dogmatique rencontre de plus en plus d’opposition. Des salons «alternatifs» se développent avant le grand coup d’éclat de 1863 symbolisé par l’organisation du Salon des Refusés, qui fait la part belle aux œuvres rejetées par le jury du Salon.
En 1900, une pierre angulaire est posée avec l’ouverture des portes du Grand Palais. Le site s’apprête à accueillir l’Exposition universelle dont la thématique, «le bilan d’un siècle», augure de quelques révolutions. Après l’Exposition universelle, il est prévu que le Grand Palais puisse héberger les salons artistiques. En attendant, le XXème siècle à Paris démarre avec la Centennale, une grande rétrospective qui réunit les signatures les plus illustres : Rodin, Delacroix, Ingres, Monet, Pissarro… Le succès est largement au rendez-vous. Les prémices des grandes affluences d’aujourd’hui.
Frédéric de Monicault