La diplomatie du panda, solidement enracinée depuis le Moyen Age
Après une double naissance au ZooParc de Beauval, retour sur cet art consommé des chancelleries à offrir des animaux.
Connaissez-vous Fleur de Coton et Petite Neige ? Ces deux bébés pandas, nés cet été au ZooParc de Beauval (Loir-et-Cher), s’apprêtent à fêter leurs deux mois. C’est peu dire que leur arrivée a été accueillie avec joie. Leur mère, Huan Huan, et son partenaire Yuan Zi sont arrivés en 2012 à Beauval. Confiés par les autorités chinoise, ils sont la vivante incarnation d’une pratique parfois baptisée de « diplomatie du panda ». Concrètement, en quête de notoriété favorable, Pékin prête à certains pays ces animaux extrêmement populaires aux yeux des foules. À Beauval par exemple, un véritable storytelling s’écrit autour de la famille panda.
Si active soit cette diplomatie, on osera dire, pour une fois, que les Chinois n’ont rien inventé. Au sens où offrir des animaux rares a agrémenté pendant des siècles la panoplie des cadeaux diplomatiques, au même titre que des bijoux fastueux ou des étoffes rares. Au Moyen Âge, ces présents tournent beaucoup autour de la chasse : dogues, lévriers, rapaces… En 797, Charlemagne, dans le dessein de pacifier les relations entre la chrétienté et les musulmans, dépêche au calife de Bagdad une meute de chiens ainsi que des chevaux de prix. En retour, son interlocuteur lui fait acheminer un éléphant blanc.
L’Histoire vient rappeler que chaque souverain dispose d’un ou plusieurs animaux un peu exceptionnels. Comme un lion pour Louis IX, un ours pour Philippe III le Hardi, des léopards pour Philippe IV le Bel, apprend-t-on auprès des commentateurs. À compter de la Renaissance, la provenance des spécimens devient de plus en plus lointaine. L’Italie sert en particulier de porte d’entrée pour les fauves venus d’Afrique. Il ne faut pas croire que tous les puissants goûtent avec la même appétence l’afflux des cadeaux. Par exemple, Henri IV se montre prompt à redistribuer certains animaux. Quoi qu’il en soit, les témoignages artistiques montrent que la quasi-totalité des monarques vivent entourés d’un bestiaire de choix.
Louis XIV et la Ménagerie royale de Versailles
Une chose est de recevoir des animaux en cadeau, une autre est de savoir les rassembler en un même lieu : en France, comme pour beaucoup d’autres choses, Louis XIV est un pionnier. En 1665, la Ménagerie royale de Versailles recense déjà plus de 40 espèces exotiques et s’enrichit régulièrement. Plusieurs sont des cadeaux comme cet éléphant du Congo offert par le roi du Portugal et ces crocodiles, présents du roi de Siam. Pendant la Révolution, la Ménagerie perd beaucoup de sa superbe : de nombreux animaux terminent dans l’assiette du peuple affamé. En 1794, la Ménagerie nationale du Museum prend le relais, bientôt supervisée par Napoléon. La palette est fournie, entre des fauves, des singes ou des zèbres. Là encore, les cadeaux figurent en bonne place, à l’image de ces lions acheminés par le dey d’Alger.
Mais les souverains et/ou dirigeants qui reçoivent des animaux en grande pompe, en profitent-ils directement ? On raconte qu’Henri IV raffolait de se promener avec un petit singe sur l’épaule. Quant à Louis XV, il n’était pas peu fier de montrer le rhinocéros qu’il avait acquis sur ses propres deniers : son entourage est littéralement ébaubi par la bête caparaçonnée. Idem pour l’arrivée de la girafe offerte par le pacha d’Égypte à Charles X. Plus les animaux sont rares, plus les récipiendaires savourent leur petit effet.
Plus proche de nous, la reine Elisabeth II peut être citée en exemple. En 1969, elle reçoit de la Gendarmerie royale du Canada une magnifique jument noire, Burmese. Les dix-huit années qui suivent, elle la montera régulièrement. Quoi qu’il en soit, cadeau ou pas, la reine est connue pour être une grande amie des bêtes. Ses biographes rappelant que dès l’enfance elle avait reçu de son grand-père, le roi George V, un adorable poney Shetland.
À noter enfin qu’au cours des dernières décennies, la plupart des chefs d’État s’échangent des cadeaux moins extravagants. Depuis 1973, la convention ratifiée à Washington sur le commerce international des espèces menacées d’extinction, met le holà à des pratiques qui consisteraient à déraciner les animaux. Les bons connaisseurs du dossier rappellent que le couple de tigres du Bengale offerts à Georges Pompidou s’est rapidement éteint. En toile de fond, il y a la surveillance attentive des associations protectrices de l’environnement. Leur vigilance fait aujourd’hui partie intégrante du paysage.
Frédéric de Monicault
À partir du 12 octobre 2021, le château de Versailles accueille l’exposition « Les animaux du roi » abordant les relations de la Cour avec les animaux qu’ils soient sauvages et exotiques ou de compagnie et le lien étroit tissé entre la fabrique du pouvoir à Versailles et la symbolique animale.
Les animaux du roi, jusqu’au 13 février 2022. Plus d’informations sur www.chateauversailles.fr