
La Coupe Davis fait sa révolution
La compétition internationale de tennis par équipes inaugure cette semaine un nouveau format. La trajectoire de cette épreuve est un bon résumé de l’histoire géopolitique.
Photo : René Lacoste, Henri Cochet, Pierre Gillou, le capitaine de l'équipe, Jacques Brugnon et Jean Borotra en 1927 lors de la 1ère victoire de la France à Philadelphie en Coupe Davis ©Rue des Archives/Tallandier
Coup de projecteur sur la Coupe Davis : la fameuse compétition de tennis change de formule. Au lieu d’une série de week-ends répartis tout au long de la saison (jusqu’à la finale en novembre), l’épreuve se resserre : quelque 18 équipes, réunies pour l’occasion à Madrid, vont en découdre pendant une semaine, du 18 au 24 novembre. L’objectif de ce nouveau format, même contesté par certains, est clair : redonner une nouvelle jeunesse à une épreuve vénérable, peu à peu délaissée par les cadors pour cause de calendrier trop chargé.
La Coupe Davis et l’Histoire
La Coupe Davis n’est pas seulement un rendez-vous phare de la petite balle jaune. En faisant s’affronter les pays depuis près d’un siècle et demi, elle épouse, à travers le sport, bien des événements historiques. Au départ, l’événement s’est enraciné grâce à trois étudiants d’Harvard, dont un certain Dwight Filley Davis. Le trio, dans son désir de populariser le tennis sur la côte ouest des Etats-Unis, imagine une compétition par équipes entre Américains et Britanniques. Le duel serait composé de cinq matches, soit quatre simples et un double. Pari tenu : l’édition inaugurale se tient en août 1900 à Boston.
La Coupe Davis de 1914 avec seulement trois pays en lice
Pour cette première, ce sont les Etats-Unis qui l’emportent mais il ne faut pas croire que la première puissance coloniale du monde et la grande puissance émergente rivalisent de fair play : à preuve, les Anglais s’estiment désavantagés par la surface, jugeant que le gazon n’a pas été coupé assez court. A partir de 1904, le concert des nations tennistiques s’étoffe : la France, la Belgique et l’Australasie disputent à leur tour la Coupe Davis. Mais la Première Guerre mondiale va refroidir les ardeurs : en 1914, seulement trois pays croisent le fer, avec l’Allemagne, l’Australie et les Etats-Unis en lice. Les Australiens s’imposent avec dans leurs rangs un dénommé Norman Brookes. Quelques mois plus tard, celui-ci s’engage dans l’armée britannique, il mourra sur le front en 1915.
Des matchs homériques dans l’entre-deux guerres
Avant la Seconde Guerre mondiale, Français et Américains sont les équipes les plus performantes. Leurs matches sont souvent homériques. A cinq reprises, les Tricolores s’emparent du prestigieux saladier d’argent, dont la première fois en 1932 grâce à ceux que l’on baptisera les Mousquetaires (Lacoste, Brugnon, Borotra et Cochet) et qui seront honorés d’une statue dans les allées du stade Roland Garros.
La Coupe Davis, ce ne sont pas seulement des matches au couteau et des champions qui, pour une fois, ne s’alignent pas individuellement mais défendent les couleurs d’un pays. Ce sont aussi des supporters bouillants et qui, de temps en temps, repoussent les limites. Comme ce match Chili-Argentine, en 2000, qui n’ira pas jusqu’à son terme. Le même Chili, en 1975, s’était déplacé en Suède pour y jouer une demi-finale. Soit deux ans après que le général Pinochet a raflé le pouvoir à Santiago : à l’extérieur du stade, des milliers de personnes manifestent contre la dictature tandis que les joueurs en décousent devant un –maigre – public constitué essentiellement de journalistes et de représentants des forces de l’ordre.
Intense agitation aussi, trois ans plus tôt en 1972, quand les Etats-Unis se déplacent à Bucarest pour disputer la finale. Quelques semaines plus tôt, la prise d’otages de la délégation israélienne – par un commando palestinien - lors des Jeux Olympiques de Munich a mis la planète en émoi. Or la Roumanie soutient l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) qui elle-même a proféré des menaces de mort contre l’équipe américaine, dont deux membres sont juifs. La rencontre finit par se jouer – après que l’annulation a été envisagée par la Maison Blanche – et les Etats-Unis remportent le saladier devant des spectateurs franchement hostiles. La Coupe Davis est décidément riche en histoires.
Frédéric de Monicault