
Hommage à l’ivresse des cimes
L’alpinisme vient d’être inscrit au patrimoine de l’Unesco. Depuis quand les hommes gravissent-ils des montagnes ?
L’alpinisme qui entre au patrimoine immatériel de l’Unesco, ce n’est pas seulement pour faire beau dans le paysage. Trois pays ont appuyé cette demande : La France, l’Italie et la Suisse. Trois pays nantis d’une solide tradition montagnarde et qui voient dans cette reconnaissance un moyen non négligeable pour lutter contre le réchauffement climatique, l’ennemi numéro un des cimes. L’Union internationale des associations d’alpinisme (UIAA) , qui regroupe trois millions d’adhérents dans une soixantaine de pays, déplore aussi la «judiciarisation croissante» de la discipline, avec des poursuites lancées au moindre accident. Sous-entendu : peut-on encore se lancer dans des courses, si les professionnels de la montagne sont réquisitionnés en permanence devant les tribunaux.
Restaurer les valeurs de l'alpinisme
L’Unesco entend justement restaurer les valeurs de l’alpinisme, qu’elle présente comme l’art de «gravir des sommets et des parois en haute montagne, qui fait appel à des capacités physiques, techniques et intellectuelles». Une définition qui vise à pointer les dérives d’un univers pris d’assaut, où les hélicoptères emmènent parfois les grimpeurs au pied du sommet. A titre indicatif, plus de 25 000 personnes se pressent chaque année sur les pentes du Mont Blanc. Et dans l’Himalaya, le manque de sherpas expérimentés est patent pour emmener leurs clients à des altitudes élevées.
La 1ère escalade ? Celle du Mont Sinaï par Moïse
Depuis quand les hommes ont-ils voulu gravir les pics qui les entourent ? Les biblistes ont la réponse : raconté dans L’Exode, l’escalade par Moïse du Mont Sinaï se solde par sa rencontre avec Dieu et la remise des Tables de la Loi. Le Sinaï culmine à 2 285 mètres : c’est un peu plus que le Mont Aiguille (2 086), dans le Vercors, régulièrement présenté comme le berceau de l’alpinisme car c’est la première ascension significative dans l’Histoire, en 1492 : Antoine de Ville, seigneur de Lorraine, capitaine de Montélimar et lieutenant de Charles VII, s’attaque au «mont inaccessible» sur ordre de son suzerain. Lui et ses quelques compagnons se servent d’échelles et de pitons avant de découvrir une «belle garenne de chamois».
1786. Le Mont-Blanc est vaincu pour la première fois
La suite est une longue addition d’ascensions inaugurales. En 1786, le Mont-Blanc est vaincu par deux chamoniards, Michel Paccard et Jacques Balmat. Le premier est médecin et botaniste, le second un enfant de la vallée devenu guide. En 1838, Henriette d’Angeville est la première femme à se hisser au sommet de ce même Mont-Blanc. Surnommée ensuite la «fiancée du Mont Blanc», elle consigne son expérience dans Le carnet vert. En 1924, c’est un alpiniste britannique, George Mallory, qui entreprend de gravir l’Everest. Lui et son compagnon, Andrew Irvine, ne seront jamais retrouvés… jusqu’en 1999, quand une équipe américaine découvre à 8 229 mètres d’altitude les restes d’un corps et surtout l’étiquette d’une chemise qui certifient qu’il s’agit bien de Mallory. L’intéressé n’a sans doute pas réussi à atteindre le sommet, l’Everest (par le versant nord) ayant été vaincu pour la première fois en 1975 par une expédition chinoise.
1950. Maurice Herzog atteint l’Annapurna
Dans l’intervalle, en juin 1950, une cordée française se distingue en atteignant le sommet de l’Annapurna. Maurice Herzog, le futur ministre des Sports, en tire un livre fameux, Annapurna, premier 8000. On s’apercevra plus tard des dissensions au sein du camp tricolore, certains reprochant à Herzog de s’être attribué à lui seul la gloire de la conquête. L’Histoire n’est pas loin : Herzog est un fervent gaulliste et sa mise en lumière sert des intérêts qui vont bien au-delà du seul exploit sportif. Cela n’a beaucoup changé : certes, les trajectoires individuelles ont pris le pas sur les expéditions nationales mais les querelles sont toujours vivaces au sein de l’alpinisme de très haut niveau.
Frédéric de Monicault