Herriot, Deferre, Chaban. Ces maires au long cours

Les élections municipales approchent à grands pas. Certains édiles sont devenus des dinosaures, comme leurs glorieux anciens.

Visuels Wikimedia Commons : Édouard Herriot, 1924, Agence Meurisse ; Gaston Deferre, 1964 ; Archives nationales allemandes ; Jacques Chaban-Delmas, 1969, Archives nationales allemandes, photo Eric Koch. 

L’année qui démarre sera marquée par les élections municipales, les 15 et 22 mars prochains. L’occasion pour des édiles solidement établis, comme Gérard Collomb à Lyon ou Martine Aubry à Lille, de remettre leur mandat en jeu. En revanche, Jean-Claude Gaudin à Marseille ne brigue pas un nouveau règne : après vingt-cinq ans à la tête de la cité phocéenne, sa succession s’annonce compliquée. Mais peut-il en être autrement, quand une personnalité a dirigé une ville aussi longtemps. L’histoire est pleine de ces dominations au long cours, qui finissent mal en général.

Édouard Herriot

Parmi les trajectoires les plus notables, il y a celle d’Edouard Herriot. Conseiller municipal à Lyon en charge des questions d’enseignement, il postule à la mairie en novembre 1905. La suite du parcours se passe de commentaires : Herriot est réélu 11 fois jusqu’à sa mort en 1957. Révoqué par Vichy, l’Occupation correspond à la seule période d’interruption de sa charge. Grande figure du radicalisme, l’intéressé incarne par excellence le notable local. Ce qui ne l’empêche pas de mener en parallèle une brillante carrière nationale. Herriot sera président du Conseil à deux reprises, en 1924 et 1932. A chaque fois, il fédère la gauche pour être élu, mais une fois aux affaires, ce front vole rapidement en éclats. A Lyon, le dernier mandat d’Edouard Herriot est difficile : outre sa santé déclinante, même ses partisans sont obligés de constater l’immobilisme de la ville.

De Gaston Deferre à Jacques Chaban-Delmas

Ailleurs en France, Herriot a-t-il un équivalent ? Le nom de Gaston Deferre revient spontanément. Pendant 33 ans, à partir de 1953, il va régner sur la mairie de Marseille. Tout à la fois homme politique, patron de presse et personnage aux multiples facettes, Deferre épouse la préfecture des Bouches-du-Rhône, quitte à pactiser avec le Milieu, comme lui reprochent ses détracteurs. On doit à Deferre une série de grands travaux, qui contribuent à l’assainissement de la ville. Sur le plan national, ile est balayé au premier tour de l’élection présidentielle de 1969. Il s’inscrit alors dans le sillage de François Mitterrand, dont il devient ministre de l’Intérieur en 1981. Les dernières années sont marquées par les querelles fratricides au sein de la Fédération socialiste des Bouches-du-Rhône. Sa mort, en mai 1986, lui vaut des funérailles nationales : le gouvernement tout entier et 200 parlementaires rendent hommage à l’ancien résistant et au chantre de la décentralisation.      

A Bordeaux, Jacques Chaban-Delmas est resté 48 ans à la mairie, entre 1947 et 1995. Il devient premier magistrat de la ville à 30 ans, fermement encouragé par le Général de Gaulle. Chaban s’est distingué par son rôle dans la Résistance : il fera partie du petit cercle ô combien salué des Compagnons de la Libération. En Gironde, le tout nouveau maire est un «parachuté» qui va réussir à faire de la «belle endormie» son fief politique. Parmi ses nombreuses réalisations, Chaban affiche notamment sa fierté devant le pont d’Aquitaine – inauguré en 1976 – qui relie les deux rives de la ville et devant la réhabilitation du quartier Mériadec, devenu le centre des affaires. A Paris, celui est Premier ministre de Georges Pompidou entre juin 1969 et juillet 1972 articule son action autour du projet de «Nouvelle Société». En 1974, il est devancé au premier tour de l’élection présidentielle par Valéry Giscard d’Estaing, futur locataire de l’Elysée. Herriot, Deferre et Chaban, trois barons devenus incontournables dans la mémoire de leur ville respective. 

Frédéric de Monicault

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