Haro sur le renard

Les associations ont obtenu un sursis pour des battues d’ampleur en Seine-Maritime. Depuis des siècles, le renard, comme le loup, cristallise tensions et fascination.

Image Pixabay

L’abattage des renards attendra. Saisi par des associations écologistes, le tribunal administratif de Rouen a décidé de suspendre l’arrêté du préfet de Seine-Maritime pris cet été qui autorisait la régulation du renard d’ici 2021. En clair, les battues auraient pu se multiplier pour tuer quelque 1 430 spécimens. Après que le préfet avait évoqué une nécessité due aux prédations faites par le renard (notamment sur le petit gibier), le tribunal a estimé que ce motif n’était pas justifié, au regard d’une population de renards globalement stable – et même inférieure en Seine-Maritime par rapport à d’autres départements.

Le renard, après le loup, reste l’ennemi ancestral dans la mémoire collective

Cette affaire vient rappeler à quel point l’animal au pelage roux résonne dans les mentalités. Généralement, dans l’imaginaire collectif, le loup s’impose comme l’ennemi historique de l’homme mais le renard n’est jamais très loin. Il est vrai qu’il s’adapte à tous les milieux, à la ville comme à la campagne ou au cœur des forêts, et que cette proximité peut inquiéter. Et puis comme le loup, le renard a sa part de mystère. Lui aussi renvoie à des images mythologiques impressionnantes. Chez les Grecs, le renard de Teumesse est un animal fantastique, impossible à capturer ; la légende raconte que les dieux l’ont envoyé sur terre pour terroriser les habitants de Thèbes, pour une sombre histoire de vengeance. Dans la Rome antique, le renard symbolise le pouvoir maléfique du feu ; lors de la fête de Cérès - la déesse de l’agriculture -, pour empêcher que les céréales ne soient la proie des flammes, on lâche des renards auxquels on a accroché des flambeaux à la queue ; puis la chasse s’engage.

Le renard, animal considéré comme fourbe et rusé au Moyen Âge

Le goupil est un mot d’origine latine ; il vient du vocable vulpes ; pour qualifier la démarche de l’animal, la locution volitans pedibus est explicite : celui qui n’avance pas droit, de manière sinueuse. Bref, le renard est une espèce fourbe - cette image d’un rusé qui va l’accompagner tout au long du Moyen Age. Le Roman de Renart, un ensemble bien connu de récits animaliers, est ainsi particulièrement explicite : près de 80 000 vers publiés au XIIème siècle montrent un Renart qui vit volontiers aux dépends du loup Ysengrin, du blaireau Grimbert ou de l’ours Brun ; un Renart cruel à l’occasion et qui ne s’embarrasse pas de scrupules. Cette œuvre littéraire est bien sûr anthropomorphique : aucun des travers de la société n’est passé sous silence et ils sont restitués sous les traits des animaux.

L’essor de la chasse à courre le renard sous l’Ancien Régime

Sous l’Ancien Régime, le renard n’est pas mieux considéré et le traquer devient même un plaisir. Au XVIIIème siècle, les règles de la chasse à courre au renard sont peu à peu codifiées. Cette pratique ancestrale est toujours aussi vivace en Angleterre, où plusieurs dizaines d’équipages sont recensées, en dépit de l’interdiction de cette pratique par le gouvernement britannique en 2004. Pendant des décennies, on poursuit encore le renard pour sa fourrure, à l’origine d’un commerce recherché. Au début du XXème siècle, ce sont, par exemple, 100 000 peaux de renards qui sont importées chaque année des Etats-Unis vers le Royaume-Uni.
En marge de la chasse à courre, un autre loisir encore plus cruel s’est développée sous l’Ancien Régime : le lancer de renard (ou d’autres animaux) se déroule dans certaines cours d’Europe centrale ; Auguste II de Pologne compte parmi les adeptes. Moyennant une corde et un filet, le renard peut être propulsé à plusieurs mètres. L’histoire raconte qu’un jour à Dresde, le concours auquel participe Auguste II se solde par 647 renards, 533 lièvres et 34 blaireaux tués.
Après ces différentes considérations, est-ce à dire que l’homme n’a jamais cherché à domestiquer le renard ? Bien avant Le Petit Prince de Saint-Exupéry et l’histoire du renard qui cherche à se faire apprivoiser, certains chercheurs ont témoigné d’un rapprochement dès la Préhistoire. Ils s’appuient sur la découverte d’une tombe en Jordanie où les ossements d’un homme voisinent avec ceux d’un renard. Alors, rituel religieux ou lien domestique, la question se pose avec acuité.  

Frédéric de Monicault

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