
France-Italie : les liaisons tourmentées

Paris qui rappelle son ambassadeur à Rome, ce n’est pas habituel. Mais les relations entre les deux pays n’ont pas toujours été roses.
Visuel : Napoléon III aux côtés de Victor-Emmanuel II. Domaine public. Auteur inconnu. 1859.
Que se passe-t-il entre la France et l’Italie ? Depuis plusieurs mois, la tension monte régulièrement d’un cran. Les deux gouvernements ne sont pas politico-compatibles : l’un, dans le sillage des déclarations d’Emmanuel Macron, promeut le ralliement à l’Europe, l’autre s’articule autour d’une coalition nationaliste. Bref, tout cela conduit à une escalade de petites phrases, puis à la décision de Paris de rappeler le locataire du Palais Farnese.
Des relations franco-italiennes tendues dès l’unification italienne
A dire vrai, il n’a pas fallu attendre l’orée du XXIème siècle pour voir les relations franco-italiennes se tendre. D’ailleurs, cela commence dès l’unification italienne, quand Napoléon III cultive l’ambiguïté. D’un côté, l’empereur appuie la volonté d’indépendance en menant la guerre contre l’Autriche, de l’autre, il ne va pas jusqu’au bout. En 1859, après les victoires de Solferino et Magenta, il signe un armistice séparé à Villafranca, au grand dam des Piémontais et de l’ensemble des partisans de la cause nationale. Avec Garibaldi, le conflit est larvé et cela ne s’améliore pas avec Victor-Emmanuel II, couronné premier roi d’Italie en 1861 : la France attendra 1870, après l’écroulement du Second Empire, pour quitter Rome et permettre à la ville de devenir capitale de plein droit. Déjà, au cours de sa jeunesse, Louis Napoléon avait désorienté les observateurs : il commence par soutenir les carbonari, les patriotes italiens, avant que sa famille ne mette tout en œuvre pour l’exfiltrer d’Italie.
Moins d’une décennie plus tard, l’antagonisme franco-italien se nourrit de la querelle d’influence en Méditerranée : en 1878, le traité de Berlin donne le feu vert à la France pour occuper la Tunisie, que visait aussi l’Italie. Celle-ci jette alors son dévolu sur la Tripolitaine et la Cyrénaïque (deux régions de l’actuelle Libye) mais c’est seulement en 1902 que les deux pays contractent un accord donnant les coudées franches à l’Italie. Celle-ci lance une guerre coloniale, parsemée d’embûches car la violence de la répression contre la population va de pair avec une mainmise militaire relative. Certes, la France ne sera jamais présente directement mais ses échanges avec la Libye, y compris très récemment, se serviront largement du ressentiment dans la zone contre l’Italie.
Juin 1940. Mussolini déclare la guerre à la France et à la Grande-Bretagne
Un autre foyer de tension franco-italienne est moins connu : il intervient en juin 1940, après que Mussolini déclare la guerre à la France et à la Grande-Bretagne. Le sort de la première est déjà joué mais l’Italie entend profiter au maximum de la victoire de la Wehrmacht. Alors le Duce décrète une offensive vers la France. Elle n’aura pas le succès escompté : certes, les troupes italiennes prennent Menton mais leurs conquêtes s’arrêtent là, freinées par des contre-attaques. L’armistice ratifié le 24 juin à Rome prévoit juste que l’Italie s’approprie un morceau de territoire à la frontière. Côté français, personne n’oubliera que son voisin a voulu exploiter sa défaite lors de la campagne de France et cela influera directement sur les relations de l’après-guerre. Avec plusieurs centaines de kilomètres carrés qui quitteront le giron transalpin pour être rattachés à l’Hexagone.
Frédéric de Monicault