EDF, un géant et son héritage

Le gouvernement se donne quelques mois supplémentaires pour trancher sur la réorganisation du groupe en deux entités. Rompre avec une tradition de plus de 70 ans n’est pas chose facile. 

Visuel tiré du film EDF, l'histoire continue - Des origines à la naissance d'EDF (Épisode 1) ©EDF

Alors, scission ou pas ? Depuis plusieurs mois, les pouvoirs publics réfléchissent à un projet de séparation pour EDF. Baptisé Hercule, ce scénario consiste à diviser le géant de l’énergie en deux grands pôles : d’un côté, pour l’essentiel, les activités nucléaires de l’électricien, de l’autre, à la fois le renouvelable (solaire, éolien, biomasse…), le réseau de distribution et la branche commerce. Un tel schéma vise à sécuriser la trajectoire industrielle et financière de l’atome civil tout en favorisant un meilleur pilotage des ingrédients de la transition énergétique (énergies vertes, services aux consommateurs…). Initialement, Jean-Bernard Lévy, le PDG d’EDF, devait présenter ce plan de réorganisation avant la fin de l’année. Finalement, Hercule ne sera pas tranché avant le printemps 2020. Comme la Commission européenne a son mot à dire, le gouvernement et EDF préfèrent attendre que les instances à Bruxelles se plongent dans le dossier.

Une rupture avec plus de soixante-dix ans de l’histoire du groupe

Si l’éventuelle scission d’EDF est un dossier aussi sensible, c’est qu’il rompt avec plus de soixante-dix ans de l’histoire du groupe. La naissance de l’électricien, avec son modèle de groupe intégré, remonte au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le 8 avril 1946, par l’intermédiaire d’une loi, EDF et Gaz de France (GDF) sont portés sur les fonts baptismaux. La nationalisation des industries électriques et gazières (IEG) fait suite aux grandes orientations du général de Gaulle. Ce dernier, dès mars 1945 devant l’Assemblée constituante, souligne que «c’est le rôle de l’Etat d’assurer lui-même la mise en valeur des grandes sources d’énergie (… )». Pour l’intéressé, cela ne fait aucun doute :  «tenir les leviers de commande» des appareils de production nécessaires à la reconstruction du pays est une mission régalienne.

La vision gaulliste relayée par le PC

La vision gaulliste est largement relayée par le Parti communiste (PC) et par l’une de ses figures de poids, le résistant, déporté et député Marcel Paul, qui rentre en novembre 1945 au gouvernement du Général de Gaulle au poste de ministre de la Production industrielle. Paul, qui sera membre du comité central du PCF de 1945 à 1964, se bat sans relâche pour faire émerger un géant public de l’électricité, destiné à regrouper un éventail de sociétés privées. Devant les parlementaires, Paul s’enflamme : «Allons-nous, alors, assister à je ne sais quelle concurrence entre les entreprises d’électrochimie, les entreprises électrométallurgiques, les chemins de fer et notre mécanisme national d’électricité pour l’équipement de nos chutes d’eau ? Dans ce cas, les errements du passé persisteront certainement.» Et d’ancrer le clou : «L’électricité, c’est l’armée de la reprise économique.» Il est entendu.

Impossible pour les dizaines de milliers de salariés de renoncer à leurs acquis

Au cours des années 1970, vingt-cinq ans après le vote de la loi, l’électricité se retrouve au cœur d’un programme industriel sans précédent : la construction d’un parc industriel standardisé qui assure actuellement plus de 75% de la production d’électricité du pays. EDF, dont l’État détient plus de 80% du capital, s’est imposée comme la grande entreprise publique par excellence. Les dizaines de milliers de salariés au statut des IEG n’ont aucune envie de renoncer à leurs acquis. Un solide héritage qui se retrouve aujourd’hui au cœur des débats. 

Frédéric de Monicault

Pour en savoir plus sur l'histoire d'EDF

 

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