Depuis l’époque de Mao, la Chine soigne sa propagande

Réécrire l’histoire : Pékin s’y emploie, encore plus en période de crise. Mao fut un maître en la matière.

Visuel via Wikimedia Commons : Mao Zedong dans un champ de céréales vers 1950. Photographie de Hou Bo illustrant le Petit Livre rouge

La pandémie de coronavirus n’a pas encore diminué – loin s’en faut, avec de nombreux pays qui attendent encore la phase de pic – que la Chine réécrit déjà l’Histoire. Avec pour objectif de gommer la moindre responsabilité dans les origines de la maladie, dont le foyer est pourtant apparu à Wuhan. Pêle-mêle, organes de presse (le China Daily en tête), réseaux sociaux et déclarations des autorités se conjuguent pour expliquer que l’épidémie vient d’ailleurs et surtout pour marteler la supériorité du système chinois, capable de confiner très strictement les populations. La propagande de la République populaire diffuse aussi abondamment les images des avions chargés de masques, sur le thème d’un géant qui se porte au secours du reste de la planète. En revanche, pas un mot sur les médecins chinois lanceurs d’alerte qui ont été durement réprimés par le pouvoir.

La propagande, une arme magique selon Mao

Répandre la bonne parole : ce n’est pas la première que Pékin s’emploie aussi activement à modeler sa communication. Mao Zedong parle déjà d’une «arme magique» quand le président actuel, Xi Jinping, sait l’importance de «raconter des histoires». A plusieurs décennies d’intervalles, les deux hommes s’appuient sur le même organe, le Font uni, créé en 1942 : sa mission inaugurale consiste à noyauter les milieux intellectuels. Les années 1942-1945 sont cruciales dans la quête par Mao d’un pouvoir absolu. Il compte sur le «mouvement de rectification du style de travail du Parti» pour fédérer le Parti communiste chinois (PCC) autour de sa personnalité et de ses convictions. La «pensée» du futur Grand Timonier consiste à fondre les thèses marxistes-léninistes dans le moule chinois. Mais là où Lénine s’appuie d’abord sur la classe ouvrière, Mao fait d’abord appel aux paysans.

Les premiers pas du Front uni sont un succès : à partir de 1945, le PCC ne prend plus aucune décision qui n’ait préalablement été validée par Mao. Ensuite, l’organe devient l’un des rouages de la dictature, accompagnant naturellement l’effort de propagande, nationale et internationale, mais sans être au premier plan non plus. En 2012, après son arrivée au pouvoir, Xi Jinping le réveille littéralement : quelque 40 000 cadres sont recrutés, chargés pêle-mêle de contrôler les opposants, de peser sur les leviers de communication à l’étranger et de modifier en profondeur l’image du pays.

La politique de propagande chinoise très active depuis le Grand Bon en avant

A quoi reconnaît-on l’enracinement d’une politique de propagande ? Elle ose tout, ou presque. Entre 1959 et 1962, plus de 35 millions de Chinois périssent de la grande famine provoquée par le Grand Bond en avant : cette industrialisation à marche forcée du pays décidée par Mao conduit à confisquer - puis vendre – toutes les récoltes pour obtenir des devises. Mais peu importe les ravages dans les campagnes : Pékin communique largement sur ces denrées alimentaires qui partent pour l’étranger. De même, le pouvoir transmet des images qui montrent les animaux du zoo de Shanghai parfaitement nourris.

Quand les dirigeants chinois quittent le pouvoir, même plusieurs années après, les autorités s’évertuent à restaurer l’image la plus positive. En 2014, pour célébrer le 110ème anniversaire de la naissance de Deng Xiaoping (1904-1997), une série télévisée de 48 épisodes est diffusée en prime-time : cette saga savamment orchestrée ne dit rien de la répression par Deng de la révolution étudiante de la place Tiananmen en 1989; elle préfère s’attarder sur l’ampleur des réformes économiques. Mao lui, pour le 126ème anniversaire de sa naissance (en 2019), a eu droit à un dessin animé : Le jeune Mao Tsé Toung à Shaoshan (NDLR : son village natal) cible un public plus jeune que la série en hommage à Deng. Et va à l’encontre d’un interdit, qui stipule que Mao ne figure jamais dans une BD ou un dessin animé.

Frédéric de Monicault

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