De Dubois à Lallement, des préfets de police à poigne

Plus que jamais, la République entend s’appuyer sur des grands serviteurs aux méthodes éprouvées. 

Visuel Wikimédia Commons : Louis-Napoléon Dubois, préfet de Police sous le Consulat et l'Empire. Napoléon 1er, ayant constaté ses moeurs légères et une fâcheuse tendance à la prévarication, le remplacera par le baron Pasquier.

Face à l’épidémie mondiale du coronavirus, les pouvoirs publics ont décidé de durcir les règles de confinement. Les forces de l’ordre ont pour mission d’être encore plus strictes et  de verbaliser sans hésitation tous ceux qui sortiraient de leur domicile sans motif valable. A Paris, cela tombe bien, les qualificatifs ne manquent pas pour évoquer – bien avant la crise sanitaire - la sévérité de Didier Lallement. Nommé préfet de police de Paris en mars 2019, l’intéressé a fait l’objet de nombreux portraits dans les médias, prompts à évoquer la vigueur avec laquelle il fait face en période d’agitation sociale. Filmé par la télévision, on se souvient en particulier de son échange sur le pavé parisien avec une gilet jaune à laquelle il rétorque qu’il «n’est pas dans le même camp». Que l’on défende ou pas le côté très martial de Didier Lallement, celui-ci vient prolonger la – longue – tradition des préfets à poigne, nommés par le gouvernement d’abord et avant tout pour rétablir et/ou assurer l’ordre.

Le premier préfet de police de Paris nommé en 1800

Le premier préfet de police de Paris est nommé en mars 1800 : d’abord avocat puis procureur avant de devenir commissaire du Directoire, Louis-Nicolas Dubois convainc Fouché, le ministre de la Police générale, de lui confier ce – nouveau – poste stratégique. Sous le Consulat, Paris n’a encore ni maire, ni conseil municipal. La ville est alors placée sous la double autorité du préfet de police et du préfet de la Seine, qui en réfèrent directement au sommet de l’Etat.

L’histoire dit que Fouché a choisi Dubois parce que ce dernier ne lui fait pas d’ombre. Cela n’empêche pas l’intéressé d’être un travailleur infatigable, auquel Bonaparte accorde sa confiance – témoins ces entrevues quotidiennes entre les deux hommes pour s’assurer du bon contrôle de la capitale. Cette reconnaissance ne dure pas éternellement : après l’incendie de l’hôtel de Schwarzenberg - siège de l’ambassade d’Autriche - le 1er juillet 1810, le préfet de police est relevé de ses fonctions. Plusieurs personnalités ont péri dans les flammes tandis que les secours sont apparus désorganisés. Surtout, il est reproché à Dubois d’avoir été absent au moment du sinistre. En l’occurrence, il se reposait dans son château de Vitry, situé dans l’actuel département du Val de Marne. 

Le baron Haussmann est d'abord un fonctionnaire à poigne

Au cours de l’histoire de Paris, un autre préfet est moins réputé pour sa rigueur que pour ses qualités d’urbaniste. Le baron Haussmann – qui va remodeler la capitale dans des proportions hors-normes – est pourtant d’abord un haut-fonctionnaire à poigne. D’abord à la préfecture du Var puis en qualité de préfet de la Seine, un fauteuil que lui confie Napoléon III en 1853. Avant même le coup d’Etat de 1851, Haussmann ne cache pas ses sympathies pour le prince Louis-Napoléon (le futur Napoléon III), dont les idées autoritaires lui conviennent. Tout au long de sa carrière, celui qui est nommé sénateur en 1857 se forge de solides inimitiés, comme Jules Ferry - le futur défenseur de l’école laïque et obligatoire publie un pamphlet retentissant Les comptes fantastiques d’Haussmann – ou le garde des Sceaux Emile Ollivier qui obtient sa tête en 1870. L’antagonisme entre les deux hommes est ancien : en poste dans le Var, le premier avait fait arrêter Ollivier, alors jeune opposant républicain.

Avant Haussmann, un autre préfet à poigne fait sa carrière grâce Napoléon III. Charlemagne Emile de Maupas, alors préfet de police de Paris, participe activement au coup d’Etat du 2 décembre 1851 qui porte Louis-Napoléon au pouvoir. Il sécurise la capitale pendant l’opération et contribue à l’arrestation des principaux opposants.  Nommé ministre de la Police générale – une nouvelle entité qui regroupe toutes les autorités de surveillance -, Maupas frappe fort. C’est justement parce qu’il frappe fort, avec très peu de latitude laissée aux voix discordantes, que le ministre doit quitter son poste en 1853 : Napoléon III s’aperçoit qu’il y a des limites à l’impopularité.

Dubois, Haussmann ou Maupas, tous – et beaucoup d’autres après eux - ont voulu asseoir leur autorité mais l’histoire retient une seule figure tutélaire : certes, Georges Clémenceau n’a jamais été préfet de police mais quand une nomination intervient, on se réfère souvent au «premier flic de France». Celui qui a été à la fois ministre de l’Intérieur et président du Conseil a impressionné des générations de dirigeants. Et c’est loin d’être fini…  

Frédéric de Monicault

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