
Cette passion des politiques pour la plume
Nicolas Sarkozy qui relate son parcours dans un ouvrage. Depuis des générations, les dirigeants se font auteurs.
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Passions, c’est le nouveau livre de Nicolas Sarkozy, dont on dit qu’il s’enquiert quasi-quotidiennement du nombre de ses ventes. Il n’est certainement pas le seul tant la classe politique a pris l’habitude d’écrire. C’est même une spécificité française car il n’y a pas d’autre pays au monde où les dirigeants et dirigeantes prennent autant la plume, dans le cadre d’un roman, d’un essai (le plus souvent) ou encore d’une biographie historique – un genre très prisé des politiques.
Avant Nicolas Sarkozy, plusieurs présidents de la République ont alimenté les devantures des librairies. Le général de Gaulle, amateur par-dessus tout de Chateaubriand, est reconnu comme un authentique écrivain : ses Mémoires de guerre en particulier sont un grand livre, que l’on peut lire d’ailleurs dans la collection de la Pléiade. François Mitterrand était passionné de littérature : la publication de plusieurs centaines de lettres d’amour à Anne Pingeot (Lettres à Anne, publié en 2016), témoigne de son appétit pour la veine romanesque et personnelle même si la plupart de ses ouvrages sont d’inspiration politique, pour appuyer les tournants de sa carrière. Lui aussi épris de beaux textes, Georges Pompidou donne une anthologie poétique marquée par le classicisme (Ronsard, du Bellay, La Fontaine, Baudelaire…). Un choix d’œuvres qui est aussi une réflexion sur le pouvoir.
De Clemenceau à De Gaulle
A l’instar de de Gaulle, Georges Clémenceau est lui aussi un véritable homme de lettres. Son passé de jeune journaliste – il a été correspondant pour Le Temps aux Etats-Unis – affine sa plume. Plus tard, il essaie tous les genres, de l’essai à la pièce de théâtre en passant par la chronique, le roman ou encore la biographie. Pour autant, il ne connaît pas le succès. Il est vrai que ses succès politiques cannibalisent son audience politique. Mais jusqu’au bout, il tiendra la plume, portée par une volumineuse correspondance. Son amitié profonde avec le peintre Georges Monet donne lieu à de belles envolées. Dans un genre différent, Léon Blum touche aussi à plusieurs domaines. Ses critiques littéraires lui valent une petite réputation, bien avant qu’il n’exerce des responsabilités.
En sens inverse, y-a-t-il des écrivains qui franchissent le Rubicon en devenant homme politique. C’est moins vrai dans un passé proche mais il y a des exemples connus dans un passé plus ancien. Lamartine par exemple démarre sa carrière politique en 1830 ; il incarne un courant progressiste qui le conduit à s’opposer à Louis-Philippe. Après la proclamation de la République en février 1848, il entre au gouvernement et devient ministre des Affaires étrangères. Il se présentera même à la Présidence de la République mais sera largement devancé par Napoléon III.
Victor Hugo aussi plonge dans l’arène politique. Entre 1848 et 1851, député de Paris, il siège à l’Assemblée constituante. C’est encore le temps où il soutient Louis-Napoléon Bonaparte : mais après le coup d’État de 1851 qui fixe Napoléon III aux affaires, il devient le plus fervent adversaire de «Napoléon le petit», ce qui lui vaut une longue période d’exil. Si Hugo fonde une partie de sa carrière politique contre un homme, celle d’André Malraux - au cours de la seconde partie du XXème siècle – accompagne au contraire les pas du général de Gaulle. Leur première rencontre date de juillet 1945. Leurs biographes insistent souvent sur leurs origines dissemblables – un milieu traditionnel pour l’un, la gauche antifasciste pour l’autre – mais entre un homme d’État pétri de littérature et un écrivain avide d’action, la connivence est immédiate. Pendant un quart de siècle, ils ne se quitteront pas.
Frédéric de Monicault