
Éternel Vidocq
L’espion de l’empereur est une nouvelle fois campé au cinéma. Sa figure est décidément mythique.
Visuel Wikimedia Commons. " Vidocq arrête des brigands qui attaquaient la diligence, dans la forêt de Sénart." Source vidocq.free.fr/galerie_gravures
Tiens, revoilà Vidocq. L’homme de l’ombre de Napoléon Bonaparte revient sur les écrans. Cette fois, c’est Vincent Cassel qui endosse le rôle du chef de la sûreté sous l’empire – l’un des épisodes parmi d’autres de son parcours hors-normes tant Eugène-François Vidocq symbolise à lui seul la complexité et le foisonnement de son époque. Avant Vincent Cassel, d’autres comédiens fameux (comme Harry Baur, pour le plus ancien en 1909, Claude Brasseur ou encore Gérard Depardieu) se sont plongés au carrefour des XVIIIème et XIXème siècle pour interpréter cette force de la nature. Car Vidocq n’est pas seulement un esprit madré, c’est aussi un homme d’action, dont l’histoire dit que tout jeune il était déjà charpenté comme un lutteur de foire.
L’Empereur de Paris, sur les écrans le 19 décembre, réussit son immersion dans l’Histoire, mixte de film d’aventure et de récit en costumes, sur fond de trame politique et policière. De basse politique peut-être mais les grands personnages ont souvent émergé grâce à des figures de l’ombre - comme l’est Vidocq par excellence, fils de boulanger issu d’une famille nombreuse et qui prend très tôt l’uniforme, pour participer notamment à la bataille de Valmy. Au fil des travaux des historiens, tout a été dit ou presque sur son parcours à rebondissement, de son enfance dans un milieu confortable à son statut de maître espion, en passant par son adolescence délinquante, son passé de bagnard, ses évasions, son rôle d’indicateur, son ascension dans la police… Sans oublier sa capacité à servir plusieurs maîtres, Napoléon mais aussi ses successeurs. Car là où les régimes passent, Vidocq reste. Par exemple, à l’orée des années 1830, il contribue à intimider les adversaires de Louis-Philippe. Mieux, pendant les émeutes de 1832, on le voit à l’assaut des barricades, jouant un rôle prépondérant pour sauver le trône du dernier roi de France.
Signe de son incroyable audience, bien avant les cinéastes, Vidocq a commencé par inspirer les romanciers. Ainsi ses traits ressortent dans le Jean Valjean de Victor ou le Vautrin de Balzac. Lui-même a pris la plume : publiées à partir de 1828, ses Mémoires n’ont rien à envier aux Mystères de Paris d’Eugène Sue. Une atmosphère sombre, poisseuse, éclairée par des enquêtes au long cours : Vidocq brasse avec bonheur la petite et la grande histoire, ne se donnant pas nécessairement le beau rôle, loin s’en faut. Y-a-t-il des choses que la postérité a oublié de signaler à son sujet ? Une chose est sûre : le personnage est un caméléon, un as du déguisement, bien utile pour braver ses – nombreux – ennemis (bandits, puissants, magistrats…).
Faire et défaire les carrières : Vidocq sait faire, en revanche, il réussit moins dans les affaires. A un moment, il pilote une imprimerie mais elle capote rapidement. Pour cela, il embauche des anciens prisonniers mais sans beaucoup de succès. Pour se refaire – tant il a régulièrement besoin d’argent -, le policier goûte la table de jeu. Hélas pour lui, les pertes sont conséquentes… Sa vie est décidément un roman, ou un film.
Frédéric de Monicault
► Lire la critique de L'Empereur de Paris (Historia, n°865)