
1893 : le massacre des « Piémontais »
Les marais salants d'Aigues-Mortes sont le théâtre du lynchage de ces Italiens dénoncés comme des concurrents économiques par les ouvriers français. Un déchaînement de violence extrême, qui aboutit à une parodie de justice.
Visuel : Costa/Leemage
Le soleil fracasse déjà les hommes. Il est 6 heures du matin, ce 16 août 1893, quand les 300 ouvriers commencent leur travail sur les salines de Fangouse, à moins de dix kilomètres d'Aigues-Mortes (Gard). Une mine à ciel ouvert battue par les vents, sans autre abris que de misérables cambuses, sans eau douce et où le cagnard et le sel rongent les corps. Pas ou si peu d'Aigues-Mortais ou d'Ardéchois, et seulement une minorité de Français sur cet enfer de chantier. C'est la clef du premier « pogrom » à la française. Une « chasse à l'ours », selon le slogan des Aigues-Mortais. L'ours, c'est le concurrent économique qui vient d'ailleurs. L'ours, c'est l'Italien, dont le gouvernement est l'allié de l'ennemi allemand. Bref, l'ours, c'est le « babi » : ce « crapaud », comme on désignait en provençal les Transalpins.